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L’ÎLE DE CYPRE.

depuis longtemps disparues, les prêtres, les fidèles, les adorateurs d’autrefois. À Paphos, la rage des chrétiens a dû se déchaîner avec plus de violence que partout ailleurs sur les monumens d’un culte abhorré; de plus, des ruines apparentes n’ont jamais cessé de signaler l’aire du temple à l’attention et aux ravages des déprédateurs de toute espèce, chercheurs d’antiquités, maçons en quête de pierres toutes taillées; aussi n’a-t-on trouvé sur les lieux que quelques piédestaux engagés dans les maisons du village. On a été plus heureux à Idalie et à Golgos; dans ces deux sites, à la première sommation des explorateurs, le sol a livré par centaines les statues et statuettes de pierre et d’argile, et le caractère de ces monumens, les inscriptions phéniciennes ou grecques qui ont été recueillies dans les mêmes tranchées, tout enfin concourt à démontrer que la pioche a bien dégagé là les restes d’anciens sanctuaires cypriotes, très fréquentés, très richement décorés, très importans encore, quoique moins vastes que celui de Paphos, le principal de l’île. Par malheur, M. Lang n’a même pas donné la moindre indication, sur l’état du terrain où il a ramassé un butin si précieux, et sur les dispositions architecturales dont il a dû y retrouver la trace. Quant à M. de Cesnola, qui paraît, à Golgos, avoir exploité les ruines de deux temples différens, son attention ne s’est pas portée sur ces vestiges de la construction antique ; il en a tenu bien peu de compte; malgré toutes les vraisemblances et malgré l’assertion formelle d’un témoin intelligent, qui assistait aux travaux de ses ouvriers, il nie jusqu’à l’existence de l’un de ces temples, de celui qui paraît avoir été le plus ancien des deux[1]. Quant à l’autre, nous avons bien une esquisse du plan; mais combien cette esquisse laisse sans réponse de questions qui, peut-être avec quelques recherches entreprises en temps utile, auraient pu être résolues au grand profit de nos études !

En tout cas, voici ce qui résulte de cette esquisse et du témoignage de M. George Colonna-Ceccaldi; celui-ci a visité le chantier de fouilles, mais à un moment où plusieurs des tranchées avaient été déjà comblées. Le temple, comme celui de Paphos, dessinait un rectangle, mais de moindres dimensions; il n’avait ici qu’environ 18m 20 de long sur 9m 10 de large. Pas plus que celui de Paphos, ce temple n’était orienté à la manière des temples grecs. C’est le sud et le nord que regardent les petits côtés du rectangle, sans que l’on puisse dire où étaient la façade et l’entrée principale. Deux

  1. D’après les dires de M. Lang, ce temple aurait été circulaire. La grande statue d’Hercule qui y a été retrouvée peut faire croire qu’il était consacré à un dieu qui, dans le cours des âges, avait fini par se confondre avec l’Hercule grec. On trouvera la lettre de M. Lang dans la Revue archéologique, t. XXIII, p. 336, et M. Ceccaldi en accepte toutes les conclusions.