Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/422

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’avance à la chambre des députés, les partisans de la liberté ne l’emporteront pas sans lutte au sénat. Il faudra qu’ils fassent des concessions ; l’opinion publique les attend là. En 1875, ils ont un peu abusé de leur supériorité numérique pour introduire dans la loi des dispositions que les régimes précédens avaient toujours repoussées. Ils feront bien de ne pas s’obstiner à défendre cette partie de leur œuvre; elle est trop critiquable, à trop d’égards, et nous ne saurions, quant à nous, appuyer sans distinction toutes les revendications de la presse et des orateurs catholiques. Nous tenons même à faire les plus expresses réserves à ce sujet dès le début de cette étude, afin d’éviter toute équivoque et toute confusion dans les rôles.


I.

Le droit public de l’ancienne France a de tout temps joué un rôle considérable dans les questions d’enseignement. Tour à tour invoqué par les adversaires et par les partisans du monopole, il a servi d’argument aux thèses les plus contraires et de prétexte aux revendications les plus opposées. Cousin et Montalembert, Villemain et M. de Falloux s’en étaient réclamés, bien avant M. Jules Ferry. Cette invocation des faits historiques, dans les questions d’intérêt actuel et de politique présente, est-elle bien justifiée? La chose est contestable. Sans doute il peut être intéressant de remonter jusqu’aux sources du droit actuel. Le passé n’abdique jamais complètement, et une société qui meurt lègue toujours à la société qui lui succède un certain nombre d’idées et de maximes dont elle a vécu et qui survivent à sa chute; mais c’est affaire d’historien de remonter ainsi le cours des âges : l’homme d’état, l’homme public, ne sont point tenus à tant d’érudition. Il suffit qu’ils s’attachent au droit actuel, au droit positif, aux circonstances et aux faits qui l’ont déterminé et aux discussions qui l’ont fixé. Dans ces limites, leur tâche est encore assez grande. C’est pourquoi, dans une étude qui s’adresse surtout à des hommes politiques, nous passerons très rapidement sur les origines mêmes de la question, nous contentant de rappeler ce qu’était en France la liberté d’enseignement sous l’ancien régime.

Il n’y a qu’une époque dans l’histoire de la monarchie française où l’enseignement ait été complètement libre : c’est l’époque intermédiaire où, dans la rupture de tous les liens civils et dans l’indépendance de la vie barbare, le prêtre était devenu, pour le plus grand bien de l’humanité, le seul dépositaire de la science en même temps que de la foi. L’enfant appartient alors à l’église, comme il appartenait jadis en Grèce à la cité, chez les Romains au père de