les meilleurs étaient morts à Tannenberg, et Henri, dans une revue qu’il fit des survivans, ne trouva plus qu’une poignée de vieillards fatigués et des jeunes gens qui, n’ayant point connu les beaux jours, apportaient dans les rangs éclaircis un esprit inquiet et désordonné. Cependant l’ordre, si affaibli, avait à demander de grands sacrifices à ses sujets. Il fallait, pour racheter les prisonniers et payer les mercenaires, prélever d’énormes impôts sur le pays à moitié ruiné par l’invasion. Les registres teutoniques montrent que le produit de la fabrication de la monnaie s’est accru énormément après la bataille de Tannenberg ; on fabriquait donc de la monnaie faible, et c’était un grave grief ajouté à tous ceux qu’avaient contre les chevaliers leurs sujets de Prusse. Le grand maître espéra calmer la mauvaise humeur, prévenir les résistances et intéresser le peuple à la destinée du souverain, en invitant, malgré la règle qui défendait aux frères de délibérer avec les laïques, les députés des villes et de la noblesse à former des états de Prusse. Il vit bientôt que le peuple de Prusse, avant de consentir à l’alliance qui lui était offerte, attendrait qu’on satisfît à toutes ses exigences. La levée d’un impôt par tête fut ordonnée ; mais Danzig refusa de payer et, en face du château de l’ordre, éleva une tour, d’où les bourgeois surveillaient ce qui s’y passait et qu’ils appelaient kiek in de kuk, c’est-à-dire regard dans la cuisine. Il fallut que le commandeur, un frère du grand maître, fît saisir et égorger plusieurs conseillers, crime dont les bourgeois gardèrent le souvenir. D’ailleurs tout est conjuré contre Plauen : peste, mauvaise récolte, et le populaire, qui se défie de ce novateur, le soupçonne d’être un hussite. Plauen était dur aux prêtres ; lorsque les évêques de Prusse, qui s’étaient enfuis après le départ du roi de Pologne, demandèrent à rentrer, en vertu de l’amnistie promise, il refusa, disant qu’il ne voulait pas « réchauffer les couleuvres dans son sein. » Cependant Jagellon et Witowd surveillaient ce désordre ; le premier fait ravager la frontière prussienne, piller et arrêter les marchands prussiens sur ses routes ; l’autre bâtit sur le territoire teutonique un château, et, comme l’ordre réclame, il répond qu’il a bien le droit de faire ce qu’il veut dans un pays qui appartenait autrefois à son peuple : parole à retenir, car elle montre que le terrible passé n’est point oublié, et que Witowd poursuit la revanche d’une race.
Plauen, irrité par tant d’obstacles et provoqué par ses ennemis, veut recommencer la guerre ; mais il ne commande même plus aux chevaliers. Le grand maréchal Sternberg empêche l’armée de le suivre. Plauen convoque un chapitre pour y faire déposer le rebelle ; c’est le rebelle qui fait déposer le grand maître et qui est élu à sa place. Le héros des jours de détresse descendit au rang de