M. de Rohan fut mandé à Saumur, où était la cour. Il fut bien reçu de la reine et y resta quinze jours. Pendant tout son séjour, il témoigna beaucoup d’animosité contre Bouillon. On lui fit de grands reproches sur sa conduite à Saumur : il s’excusa du mieux qu’il put, et le 19 mars, vers dix heures du soir, il prit congé de la reine sous prétexte que son frère Soubise était fort malade. A minuit, il était parti : il ne se hâtait si fort que pour arriver vite à Saint-Jean-d’Angely, où il voulait faire nommer un maire à sa dévotion. Rohan était pourvu depuis quelques années du gouvernement de la ville de Saint-Jean, mais il y avait à demeure dans cette place un lieutenant pour le roi, qui commandait en son absence, le sieur de La Roche-Beaucourt, de la religion réformée. La Roche-Beaucourt était dans les intérêts de la cour et était devenu l’ennemi de Hautefontaine, à qui Rohan avait confié ses intérêts. Il avait réussi à faire nommer un maire hostile au gouverneur.
La reine avait écrit aux officiers de la maison de ville de Saint-Jean-d’Angely pour peser sur l’élection. Rohan, « sans avoir assez bien digéré, dit Du Plessis, ce qu’il aurait à faire, s’y opposa formellement et par escrit signé, disant qu’on avait abusé de l’authorité de la roine[1]. » Rohan fit armer le peuple, tint les portes fermées, refusa l’entrée de la ville au sénéchal de Saintonge et à M. de La Roche-Beaucourt. Il fit ôter au maire les clés de la ville et repoussa d’abord toutes les propositions des envoyés de la reine.
La cour feignit une grande colère, on fit défense à toutes les dames de Rohan, mère, femme et filles, de sortir de Paris, on mit à la Bastille le sieur de Teine[2] que M. de Rohan avait envoyé pour excuser sa conduite. Rohan fut déclaré rebelle et coupable de lèse-majesté. On arrêta ses pensions et le paiement des garnisons de ses places de sûreté. Il devint, à Saint-Jean, la tête de tous les mécontens. La chambre de justice de Nérac envoya des commissaires pour informer des menées qui se faisaient dans cette ville ; ils n’osèrent y entrer : arrêtés à Saintes, ils citèrent le sieur de Hautefontaine devant eux. Celui-ci roua de coups de bâton l’huissier qui lui apporta l’ordre de comparution[3].
Mme de Rohan dépêcha en poste, de Paris, son maître d’hôtel, le sieur des Grutières, pour prendre les avis de M. Du Plessis et pour les porter à ses deux fils Rohan et Soubise : la reine, de son côté, envoyait elle-même à Rohan M. de Thémines, sénéchal du Querci, pour lui remontrer ses devoirs. Du Plessis écrivit à Rohan pour lui