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c’est l’acte d’un gouvernement soucieux des droits de l’état, jaloux de sa responsabilité et qui s’est donné pour tâche de restituer à la chose publique dans le domaine de l’enseignement la part d’action qui doit lui appartenir et qui va s’amoindrissant depuis bientôt trente ans sous l’effort d’usurpations successives. » C’est en ces termes que débute l’exposé des motifs du projet de loi relatif au conseil supérieur et aux conseils académiques. Un peu plus loin, après avoir rappelé que « le conseil supérieur est la clé de voûte de l’édifice élaboré par le législateur de 1850, » l’exposé conclut que cette institution, « remaniée, fortifiée, aggravée par l’assemblée nationale en 1873, » est devenue « dans sa composition actuelle incompatible avec une direction libérale et progressive de l’enseignement public. » La conception « qui lui sert de base est aussi fausse que dangereuse. » Le conseil supérieur ne doit pas être le représentant des droits et des intérêts de la société tout entière. Il n’y a pas de société distincte de l’état ; la société n’a pas d’autre « organe reconnu, pas d’autre représentation régulière et compétente que l’ensemble des pouvoirs publics émanés directement ou indirectement de la volonté nationale, et cet ensemble s’appelle l’état. » D’où il suit que les législateurs de 1850 et de 1873 ont complètement dénaturé le caractère du conseil supérieur en le composant, comme ils l’ont fait, de membres en majorité étrangers au corps enseignant. La mission de ce conseil est avant tout « pédagogique » et la première condition pour y figurer a est d’avoir une compétence scolaire ; » tous les autres élémens systématiquement « accumulés » doivent en être exclus. L’état enseignant ne sera le maître chez lui que si le conseil supérieur cesse d’être autre chose qu’un conseil d’études, où l’Université seule aura voix délibérative.

Tels sont, aussi brièvement résumés que possible, les argumens sur lesquels le gouvernement fonde son premier projet. Quelle valeur ont ces argumens ? Nous ne croyons pas qu’ils puissent résister à une discussion un peu sérieuse. Et tout d’abord ils reposent sur des erreurs matérielles qu’il faut sans doute attribuer aux mêmes causes que l’étrange confusion à laquelle nous faisions allusion tout à l’heure, mais qui affaiblissent singulièrement la thèse ministérielle. Où M. le ministre de l’instruction publique a-t-il vu par exemple que l’action de l’état se fût amoindrie depuis trente ans ? Où a-t-il vu surtout que cet amoindrissement ait été le fait d’usurpations successives ? Voilà certes une bien grave affirmation et de bien gros mots, mais nous cherchons vainement ce qu’ils signifient. Dans les trente dernières années, le seul fait que l’on pourrait considérer comme une usurpation, légale en tout cas, c’est le vote, en 1873, de la loi portant réorganisation du conseil supérieur de