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qu’aucun membre d’une congrégation non autorisée ne pourra plus désormais diriger un établissement quelconque, ni même y être employé comme professeur. L’article 7 s’applique également aux trois degrés d’enseignement primaire, secondaire et supérieur. Il embrasse tout dans sa généralité : jésuites et dominicains, maristes et eudistes, etc. La loi ne distingue pas entre toutes ces congrégations ; elle les place, comme les établissemens insalubres, en dehors du droit commun. La république de 1848 ne les connaissait « ni pour les protéger, ni pour les gêner ; » la république de 1879 ne les connaît que pour les frapper.

Nous avons essayé d’établir dans un précédent article que cette prohibition générale était contraire au droit public, au droit moderne. Nous voudrions démontrer ici par des chiffres et par des argumens empruntés, pour la plupart, aux documens officiels eux-mêmes, quel trouble elle jetterait dans les intérêts matériels et moraux, non-seulement des congrégations, mais encore et surtout d’une très nombreuse classe de citoyens.

Il existe actuellement en France 141 congrégations non autorisées[1], se livrant effectivement à l’enseignement, soit : 125 congrégations de femmes et 16 congrégations d’hommes. Ces congrégations possèdent 641 établissemens, dont le total se décompose ainsi : établissemens de femmes, 560 ; établissemens d’hommes, 81. Le nombre des élèves qui fréquentent ces établissemens est de 61,409 : soit 41,174 filles et 20,235 garçons, sur lesquels on compte environ 9,513 bourses entières ou partielles. Enfin le nombre des professeurs, des surveillans de l’un et l’autre sexe, appartenant à ces diverses congrégations et qui se consacrent à l’enseignement, est de 6,454 : soit 4,898 religieuses et 1,556 religieux.

Voilà donc, si l’article 7 était voté, 141 congrégations, 641 établissemens, 61,409 jeunes filles et jeunes gens, dont 9,513 boursiers, qui seraient atteints. Voilà d’un seul coup 641 établissemens qui vont se trouver expropriés, pour cause d’utilité publique, sans aucune enquête préalable, et sans indemnité, bien entendu. Voilà 67,000 individus, par conséquent 67,000 familles, appartenant pour une bonne part à la bourgeoisie, qui vont être frappées dans leur fortune, opprimées dans leurs croyances, ou tout au moins gênées dans leurs habitudes. Voilà plus de 9,000 enfans, que les congrégations non autorisées élevaient gratuitement, et pour lesquels elles dépensaient chaque année 1,186,076 francs, qui vont être

  1. Ces chiffres et les suivans qui ont été communiqués aux chambres sont le résultat d’une enquête faite par un comité qui s’est mis en relation directe avec les supérieurs des congrégations intéressées ; ils portent sur l’année 1879.