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Est-il bon, est-il mauvais qu’il y ait des établissemens où l’éducation morale et religieuse ait le pas sur l’instruction proprement dite, et des établissemens animés d’un esprit plus laïque, plus scientifique, où la part faite à la religion soit moindre ? Ce dualisme est-il bon ? Nous ne le prétendons pas, nous sommes de ceux qui regrettons notre vieille Université de France, avec sa discipline, ses mœurs et son esprit à la fois laïque et religieux. Nous croyons que cette grande institution a rendu d’éminens services à ce pays, et quand nous comparons les fortes générations qu’elle a formées avec la nôtre, nous ne pouvons nous empêcher de faire un triste retour sur nous-même, et d’évoquer le temps où toute la jeunesse française passait par la même éducation, comme elle passe aujourd’hui par le régiment. Mais que pouvons-nous à ces choses ? Le gouvernement, les chambres, peuvent-ils empêcher que le monopole universitaire ait succombé ? Peuvent-ils empêcher surtout qu’il ait succombé sous la pression de l’opinion publique ? À tort ou à raison, l’Université n’a plus aujourd’hui la confiance d’un grand nombre de familles ; elle a perdu son ancienne clientèle aristocratique et bourgeoise. Faut-il pour la lui rendre rétablir indirectement ce que M. Ledru-Rollin appelait dans sa langue colorée « la conscription de l’enfance, » ce qu’il considérait « comme la plus grande souffrance qu’on pût infliger à un individu ? » Au fond, l’article 7 n’a pas d’autre portée : en apparence, il n’atteint que les congrégations non autorisées ; en fait, comme les congrégations non autorisées sont les seules qui soient florissantes dans l’enseignement secondaire, il supprime toute concurrence, au moins à ce degré d’enseignement. La monarchie légitime en usait plus fièrement avec les jésuites : elle ne fermait pas leurs établissemens, elle les bannissait ; elle ne leur interdisait pas l’enseignement, elle leur interdisait la France ; ce n’est pas dans l’intérêt d’une corporation rivale, c’était dans l’intérêt bien ou mal entendu de la chose publique, dans l’intérêt supérieur de l’état et de la religion qu’elle les frappait. Aujourd’hui qu’invoque-t-on en dehors des pauvres argumens tirés de l’ancien droit public ? Rien, absolument rien. L’exposé des motifs est muet : tournez-le dans tous les sens, prenez-le par tous les bouts, vous n’en ferez pas sortir un grief, un seul, contre les congrégations. Il n’y en a qu’un, mais qu’on n’avoue pas, celui-là : elles ont fait recevoir en 1876 127 élèves à Saint Cyr et 39 à l’École polytechnique. C’est tout leur crime, et l’article 7 n’est pas autre chose que le châtiment de ce crime.

Et croit-on qu’il n’y aura qu’elles de châtiées ? Croit-on qu’elles seront seules à souffrir, elles et les 67,000 familles qui leur confient