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le seul argument à lui opposer : d’autres raisons, les unes particulières à l’Université, les autres ayant rapport à la politique, à notre état social, aux relations de l’église et de l’état, sont encore plus péremptoires. Quand un gouvernement, quel qu’il soit, grève le trésor et trouble l’ordre établi, la seule excuse qu’il puisse invoquer, c’est la grandeur du résultat qu’il poursuit. Il n’y a que le succès pour excuser l’oppression. Or le résultat que poursuit le gouvernement, quel est-il ? et l’obtiendra-t-il ? Il y a là deux questions bien distinctes et d’une inégale importance : une question purement universitaire et une question de politique générale. Les projets de M. le ministre de l’instruction publique peuvent et doivent être envisagés de ces deux points de vue.

Au point de vue de l’enseignement, de ses besoins, de ses vœux, ils appellent tout d’abord cette critique : c’est qu’aucune urgence, aucune considération tirée de l’état des écoles publiques n’en justifiaient la présentation. Ils n’ont pas même pour eux l’opportunisme ! Nous emprunterons encore ici quelques chiffres à la statistique de l’enseignement secondaire. En 1865, nous possédions 77 lycées et 251 collèges ; en 1876, nous comptions, malgré nos pertes de territoire, 81 lycées et 252 collèges, soit 333 établissemens au lieu de 328. Le nombre de maisons publiques d’enseignement secondaire a donc augmenté dans de notables proportions ; et d’ici à très peu d’années, cette augmentation sera plus sensible encore puisqu’en outre des 81 lycées en exercice, il en existe actuellement 5 en voie de construction. En ce qui concerne le mouvement de la population scolaire, la statistique constate le même accroissement. Au lieu de 66,000 élèves que l’Université recevait en 1865 dans ses collèges et lycées, elle en comptait plus de 79,000 en 1876.

À vrai dire, l’enseignement congréganiste a fait dans le même temps de rapides progrès. Les jésuites notamment ont, en moins de douze ans, presque doublé le nombre de leurs maisons et de leurs élèves. Mais ce phénomène trouve son explication toute naturelle dans la disparition graduelle et continue des établissemens libres laïques. De 1854 à 1876, dans une période de vingt-deux ans, l’enseignement secondaire libre non congréganiste a perdu 331 maisons et 12,000 élèves. Est-il étonnant que les jésuites en aient profité ? Sans doute, il est regrettable que le nombre des pensionnats laïques s’en aille ainsi diminuant de jour en jour ; il y en avait dans le nombre d’excellens dont la prospérité était intimement liée à celle de nos collèges, où beaucoup d’entre eux envoyaient leurs élèves. Mais il y en avait aussi de détestables, qui étaient exploités par de véritables charlatans, où les mœurs, la discipline, l’enseignement, tout était à réformer. Ces établissemens sont tombés.