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tés gallicanes deviennent un des principes de notre droit public. Acceptée par les parlemens, enseignée par les universités, la déclaration de 1682 est désormais la loi du royaume, et c’est pour avoir méconnu cette loi qu’au siècle suivant les jésuites sont expulsés.

Sur ces entrefaites, la révolution éclate et brise toutes les institutions de l’ancien régime : les parlemens, les universités, les provinces et leurs états particuliers sont supprimés ; aux anciennes autonomies judiciaires, administratives, universitaires, l’assemblée nationale substitue un vaste système de centralisation qui comprend et qui absorbe tout. L’église gallicane ne pouvait échapper à la loi commune ; à son tour elle est brisée, dépouillée, soumise à une constitution civile, en attendant qu’elle soit proscrite et menacée dans son existence même. Cette grande crise ne dure, il est vrai, qu’un petit nombre d’années ; le concordat y met fin au commencement de ce siècle et scelle la réconciliation officielle de l’église et de l’état. Néanmoins, en dépit de ce grand acte de réparation, l’abîme creusé par la révolution entre la société religieuse et la société civile va s’élargissant de jour en jour, et la lutte, un moment interrompue, reprend avec plus de violence que jamais dans les dernières années de la restauration. Alors, menacée dans son patrimoine intellectuel, le seul qui lui reste, l’église se serre de nouveau, comme au xvie siècle, autour de son chef. Contre la libre pensée, cent fois plus redoutable que la réforme, elle appelle à son secours les jésuites et leur forte discipline ; elle en fait ses soldats et bientôt, par une suite nécessaire, ses conducteurs et ses chefs ; elle abdique entre leurs mains, et les dernières résistances de l’esprit gallican viennent se briser au concile du Vatican devant l’ultramontanisme vainqueur. L’église trouve là sa forme suprême, et la proclamation du dogme de l’Infaillibilité donne à cette forme son expression définitive. Telles sont au résumé les grandes évolutions qui ont marqué l’histoire de l’église et qui l’ont conduite, à travers une incroyable succession de grandeurs et d’épreuves, du pur régime démocratique des premiers âges à l’absolutisme pontifical. Poursuivi par le saint-siège, pendant plusieurs siècles, avec une indomptable opiniâtreté, ce dénoûment devait nécessairement s’imposer un jour ou l’autre à la catholicité : menacée par la révolution, il était fatal que l’église serait amenée à sacrifier ses libertés les plus chères aux intérêts de sa défense. C’est pourquoi le gallicanisme est mort et c’est pourquoi les jésuites ont pris sa place. Au xviiie siècle, ils n’étaient que l’expression isolée d’une doctrine antipathique à l’immense majorité du clergé français ; aujourd’hui, depuis le concile du Vatican, ils sont l’expression la plus brillante et la plus achevée d’une doctrine qui est passée à l’état de dogme incommutable, accepté, reconnu par toute la chrétienté.