L’impression du livre commença en 1552 et fut achevée en 1553. Mille exemplaires sont imprimés. Le 27 octobre 1553, à Genève, Servet est brûlé, et avec lui deux exemplaires de son livre, l’un manuscrit, l’autre imprimé. Est-il possible que les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf exemplaires restans aient tous disparu ? Un grand nombre ont été brûlés à Vienne, d’autres à Francfort-sur-le-Mein : cela est vrai, mais combien ont été vendus ? combien ont été envoyés par Servet à ses amis de Lyon, de Venise, de Bâle et de Padoue ? Voilà ce qu’on ne saura jamais exactement ; en tout cas, il serait bien invraisemblable de supposer que les deux seuls exemplaires qui nous restent de la Restitution du Christianisme ont été les seuls qui, dès le xvie siècle, avaient échappé au fanatisme religieux.
Nous allons voir en effet qu’à Padoue les anatomistes et les physiologistes, pendant un demi-siècle, font une série de découvertes contenues dans ce livre fameux.
D’abord Servet a dit le premier, contrairement à l’opinion d’Aristote et de Galien, que la cloison du cœur n’est pas perforée : Paries ille medius non est aptus ad communicationem et elaborationem (sanguinis) licet aliquid resudare possit. Flourens admet que Vésale a le premier découvert la non-perforation de la cloison inter-ventriculaire. Mais M. Tollin a bien montré que, dans la première édition de Vésale, le passage où il est question de l’imperforation de la cloison n’existe pas : c’est seulement dans l’édition de 1555, deux ans après la publication de la Restitution du Christianisme, que Vésale ose dire que la cloison n’est pas percée. Ainsi voilà la première erreur de Galien relative à la communication des deux ventricules renversée, et cela, non par Vésale, mais par Servet.
Et si Vésale ne parle pas de Servet, c’est qu’en ces temps d’intolérance universelle, soutenir les doctrines d’un aussi grand hérétique était un péché véritablement mortel. On sait que, malgré toutes ces précautions, Vésale n’échappa pas à l’inquisition. Un si illustre anatomiste devait être un homme dangereux. On l’accusa d’avoir ouvert le corps d’un vivant ; on l’envoya en terre-sainte pour faire pénitence, et au retour il mourut dans un naufrage.
Quelques années après la mort de Michel Servet, Realdo Colombo décrit avec une très grande exactitude la circulation pulmonaire : mais ses expressions sont celles de Servet. En mettant les deux textes en regard, on voit bien que ce qu’il dit de la petite circulation est textuellement ce que dit Servet. Comment donc ose-t-il dire en parlant de la petite circulation (du ventricule droit à l’oreillette gauche à travers le poumon) : Quod nemo hactenus (c’est-à-dire avant moi, 1559) aut animadvertit aut scriptum deliquit. Est-ce