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il est porté par les artères dans tout le corps. » — On ne pouvait mieux concevoir, dit Flourens, la circulation générale, ni la mieux définir dans une phrase aussi courte. Pourquoi Césalpin, qui professait à Pise, ne parle-t-il pas de Colombo, qui professait tout près de là, à Padoue ? Pourquoi ne cite-t-il pas le livre de Servet, qui lui était certainement connu ? Peut-être faut-il voir dans ce silence la crainte des persécutions religieuses ? Malgré ces précautions, Césalpin n’échappa pas à la calomnie. On l’accusa d’athéisme, et, s’il n’avait pas été le médecin, et à ce titre le protégé, du pape Clément VIII, peut-être aurait-il expié la hardiesse de ses doctrines. Quoi qu’il en soit, ce qu’il faut retenir de l’œuvre de Césalpin, c’est cette expérience, ou plutôt cette observation fondamentale relative à la circulation du sang dans les veines. Cette expérience suffirait à sa gloire : car c’est le fondement de la théorie de la circulation, et une grande partie de l’ouvrage de Harvey est consacrée à la démonstration de ce fait, que les veines ramènent le sang au cœur, contrairement à l’idée de Galien et des anciens.

Quelque temps après, Jérôme Fabrice d’Acquapendente fit une découverte anatomique presque aussi importante que l’observation physiologique de Césalpin. Il découvrit les valvules des veines (1574) et montra qu’elles étaient dirigées vers le cœur, et facilitaient le cours du sang dans ce sens[1].

De là à conclure, avec Césalpin, que le sang dans les veines revient au cœur, il n’y a qu’un pas, assurément, peu difficile à faire ; cependant cette conclusion, Fabrice d’Acquapendente ne l’a point énoncée. C’est son élève, W. Harvey, qui devait la formuler, quarante ans plus tard, avec une précision admirable.

Tels sont, en réalité, les prédécesseurs immédiats de Harvey. Servet montre que la cloison du cœur n’est pas perforée et découvre la petite circulation. Colombo vulgarise la doctrine de Servet (qu’il ne cite pas) et la propage dans un livre qui se répand rapidement, en sorte que tous les savans de l’époque le lisent et l’étudient. Césalpin démontre que le sang des veines va au cœur, et Fabrice d’Acquapendente trouve dans les veines des valvules qui facilitent la direction du sang veineux vers le cœur.

Outre ces auteurs illustres, on peut citer encore, depuis la publication du livre de Servet jusqu’à celle du livre de Harvey (1553-1629), bien des écrivains obscurs qui ont écrit sur la circulation du sang. Flourens a montré que Le Vasseur n’avait rien dit qui ne fût

  1. Il est juste d’ajouter que Charles Estienne, le frère du célèbre imprimeur Robert Estienne, avait décrit, en 1545, les valvules de certaines veines. D’autres auteurs paraissent avoir aussi fait des remarques analogues ; mais ces observations incomplètes ne diminuent pas la gloire de Fabrice d’Acquapendente.