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riences de Harvey. On croyait que l’air inspiré dans le poumon pendant la respiration va au cœur et de là dans les artères. « Le fait n’est pas possible, répond Harvey, attendu que lorsqu’on ouvre la trachée, on voit l’air entrer et sortir par l’ouverture ; tandis que lorsqu’on ouvre une artère, il n’y a absolument qu’un jet de sang artériel sans issue ou pénétration de l’air ; par conséquent il ne faut pas confondre la trachée, où il y a un mouvement alternatif d’entrée et de sortie de l’air, et les artères, où il y a seulement un jet de sang. » — « Grand Dieu ! s’écrie Parisanus, cette comparaison peut-elle se tenir sur quatre pieds ? Les poumons sont ouverts constamment, tandis que les artères sont fermées ; lorsque les poumons sont blessés, ils continuent à rejeter et à prendre l’air, car ils n’en sont pas empêchés par l’abord impétueux du sang. Il en est tout autrement pour les artères, qui ne peuvent pas à la fois rejeter du sang et absorber de l’air. Quant à la raison qui empêche l’air contenu dans les artères d’en sortir, est-ce que Démocrite n’a pas vécu plusieurs jours en se nourrissant seulement d’odeurs ? » Primerose trouve une objection plus simple encore. Lorsque l’artère est ouverte, dit-il, il y a probablement pénétration de l’air extérieur et rejet de l’air contenu ; mais nous ne pouvons rien y voir par suite de la rapidité des mouvemens artériels.

Répondre à des faits précis par une audacieuse négation, tel est le plus souvent le système des adversaires de Harvey. Il avait annoncé, probablement le premier, que la contraction du cœur produit un bruit dans la poitrine. « Cela est possible à Londres, lui répond un médecin ; mais à Venise on n’entend rien de semblable. »

On comprend que Harvey, sûr d’être en possession de la vérité, ait été exaspéré par cette polémique déloyale et ridicule. Aussi n’épargne-t-il pas ses adversaires, tout en ne leur répondant pas directement. « Répondre à des injures par des injures est indigne d’un philosophe qui cherche la vérité, et il vaut mieux confondre les méchans par la lumière de l’observation et de la vérité. On ne peut éviter que les chiens aboient ou vomissent leur crapule ; parmi les philosophes, il doit y avoir des cyniques, mais on doit se mettre en garde contre leurs morsures et empêcher que leur rage malsaine ne détruise les fondemens de la vérité. Tous ces contempteurs, ces pitres dont les écrits sordides pullulent d’outrages, je ne les ai jamais lus, car on ne peut rien trouver de solide dans leurs écrits que des injures, et naturellement je ne crois pas nécessaire de leur répondre. Je les abandonne à leur mauvais génie. Ils ne rencontreront pas de lecteurs, car Dieu, qui est juste, ne fait pas aux méchans le don précieux de la sagesse. Qu’ils continuent leurs