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EXPOSITIONS D’ART

les dessins de maîtres anciens à l’école des beaux-arts.

La passion pour les dessins de maîtres, que nous voyons chez quelques amateurs poussée jusqu’aux plus nobles prodigalités, n’est point une passion nouvelle. Dès qu’il y eut de grands peintres, il se trouva autour d’eux des disciples et des admirateurs pour recueillir avec respect ces lambeaux de vélin et ces chiffons de papier sur lesquels leur génie, ému par la nature vivante ou transporté par l’imagination, avait jeté ses premières et vives empreintes. Ces collectionneurs, d’ailleurs en petit nombre, mirent à grossir leurs portefeuilles un acharnement d’autant plus grand que le plaisir qu’ils en tiraient était plus rare et plus exquis. Grâce à eux, grâce à Vasari, à Jabach, à Crozat, à Mariette, à Lawrence et quelques autres, la pensée intime des siècles arrive jusqu’à nous dans sa pureté, et lorsque la cruauté du temps ou des hommes aura livré toutes les œuvres d’art, tableaux, fresques, statues, à l’inévitable destruction, l’âme des grands artistes vivra encore dans leurs esquisses pieusement conservées. Il ne semblait pas toutefois que cette curiosité raffinée pour les travaux intimes qui préparent l’œuvre d’art, pour des ébauches d’apparence informe, pour des croquis à peine indiqués, pour des griffonnages souvent malpropres, pût être le partage d’un groupe bien nombreux. La foule n’aime que les œuvres achevées et ne les trouve jamais achevées à son gré. Pour goûter tout ce qu’il y a de charme dans les tâtonnemens d’un dessin, dans les hésitations d’un contour, dans les surcharges d’une hachure, dans les vivacités, les repentirs, les désespoirs de la plume ou du crayon n’obéissant qu’à moitié à l’imagination impatiente, il faut une éducation assez étendue, un goût déjà fort aiguisé. MM. Ephrussi et Dreyfus ont pensé que