Comment en pourrait-il être autrement ?
Les droits protecteurs sont des digues, des écluses qui maintiennent le capital et le travail dans des canaux artificiels. Comment penser qu’en abattant les digues, en renversant les écluses, l’eau ne reprendra pas son niveau ?
Prétendre que l’abolition des droits protecteurs n’entraînerait, d’état à état, aucun changement dans la distribution du travail et du capital, et que le changement n’aurait lieu que dans les limites de chaque état, c’est prétendre que, d’état à état, elle est ce qu’elle doit être, malgré les droits protecteurs, et que, dans l’intérieur de chaque état, elle n’est pas ce qu’elle doit être, malgré la liberté.
Cela n’est pas soutenable.
4° Reste donc à compter, pour prévenir l’émigration du capital et du travail, dans l’hypothèse où nous raisonnons, sur la répugnance naturelle qu’éprouvent les capitalistes à placer leurs fonds en pays étranger, et sur la répugnance, plus grande encore, qu’éprouvent les classes laborieuses à se transplanter dans d’autres pays.
Cette répugnance est réelle, très réelle.
Il est très vrai que les capitalistes aiment à conserver, sinon la direction, au moins la surveillance de leurs placemens, et qu’ils se résignent, au besoin, pour conserver cet avantage, à des profits moindres que ceux qu’ils obtiendraient en envoyant leurs fonds à l’étranger.
Il est très vrai qu’en général les populations laborieuses tiennent au sol qui les a vues naître, et que, par une foule de raisons qui s’offrent d’elles-mêmes à l’esprit, l’homme, comme le dit Adam Smith, est de toutes les choses la plus difficile à déplacer, et que les ouvriers se contentent souvent d’un salaire moindre que celui qu’ils obtiendraient en changeant de patrie. Il est très vrai qu’en économie politique on tient grand compte de cette répugnance ; qu’on la considère comme un élément qui modifie, plus ou moins, d’état à état, voire même dans l’intérieur de chaque état, pour peu qu’il soit étendu, la loi des échanges, le principe sur lequel repose la valeur respective des objets, savoir la tendance à l’égalité dans les frais de production.
Mais cette répugnance a ses limites.
Elle tend d’ailleurs à diminuer de nos jours, dans une proportion rapide et constante. Les capitaux tendant à devenir cosmopolites par cette excellente raison qu’ils trouvent, dans tous les pays civilisés, à peu près la même protection, un degré de sécurité à peu près égal, et que la rapidité des communications électriques, permettant à chaque capitaliste de connaître, à chaque instant, le mouvement des affaires, le taux des valeurs, la fluctuation des