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Il était facile d’en détourner quelque chose au profit des bonnes doctrines. Ces messieurs jetèrent les yeux sur Pelletier.

Ce personnage avait jugé à propos de faire dresser par un ébéniste de Londres une petite guillotine en bois d’acajou. Il l’avait exposée moyennant un shilling pour les dernières places et une couronne pour les premières et avait inscrit en gros caractères à la porte de la baraque : Aujourd’hui on guillotine une oie, demain un canard. Ce Pelletier avait été présenté pendant la constituante à Montlosier par M. Régnier, conseiller à la cour des aides, comme un royaliste ardent, auteur du Domine salvum fac regem. On avait fait de temps en temps pour lui des collectes dans le côté droit. Il fut choisi par le comité de Londres pour être le héros de la guerre qu’on se proposait de livrer au parti constitutionnel. « Allons donc, Pelletier, lui avait dit M. du Theil, est-ce qu’un homme de votre mérite est fait pour se prostituer dans des exhibitions de guillotine ? C’est à vous qu’il convient de défendre les vrais principes de la monarchie. » Pelletier se trouva tout à coup converti et attendri, on lui envoya un saint prêtre, l’abbé Caron, qui le confessa, puis l’abbé Barruel qui le maria. Des fonds considérables furent faits pour sa femme, pour lui, pour ses futurs ouvrages. Il débuta par une proclamation où il se repentait d’avoir été entraîné trop longtemps par les mauvais systèmes des Lally, des Bergasse et des monarchiens. Désormais il abjurait ses anciennes et pernicieuses doctrines. Cette abjuration le fit fort applaudir des fanatiques. Le marquis de Sérent, avec qui Montlosier avait contracté une tendre liaison à la constituante, se trouva aussi entraîné dans cette latte. Un jour, en 89, dans la salle même de l’assemblée, il était allé trouver Montlosier à son banc et lui avait demandé ce qu’il voulait et où il allait. « Je veux l’honneur du roi et la liberté du pays, avait-il répondu. — Touchez là, Montlosier, dit le marquis de Sérent, je suis à vous et avec vous. »

À Londres, ils s’étaient rencontrés plusieurs fois, mais sans avoir pu causer. Rendez-vous fut pris pour déjeuner ensemble et s’entretenir des choses du temps. La nouvelle circula dans les salons. On chercha aussitôt à entraver leur conversation. Il y avait à peine une heure qu’ils étaient réunis qu’un premier messager survient et les interrompt. Aussitôt après en arrive un second, puis un troisième. Enfin le marquis de Sérent dut se rendre sur-le-champ pour affaire urgente chez l’évêque de Saint-Pol. Montlosier apprit bientôt qu’il était parti avec son frère pour la Vendée, où ils se firent tuer.

Une plus grande émotion vint encore agiter les petites cervelles de l’émigration. Mallet Du Pan allait enfin se fixer à Londres. Le gouvernement anglais, qui l’honorait, en avait prévenu les princes et leurs