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loyauté tout anglaise, M. Trollope s’est chargé de dissiper à cet égard l’ignorance du public européen. Laissons-le donc nous désigner lui-même l’origine, la cause et l’auteur de cette prophétie. « Il est plus que probable, dit-il, qu’elle fut élaborée par le cerveau d’un Anglo-Saxon imaginât if et d’esprit robuste. Cela se passait en 1857, alors que les terribles exigences de la révolte de l’Inde avaient retiré du Cap jusqu’au dernier habit rouge. Si à ce moment les Cafres avaient repris leur vieux système de rébellion, les choses auraient pu mal se passer pour les fermiers hollandais et anglais de la province du Cap-Oriental. » Nous sommes dispensé d’insister sur ces paroles, tant elles portent clairement leur commentaire avec elles. L’Anglo-Saxon imaginatif et d’esprit robuste qui a fait une si belle application de la maxime la fin justifie les moyens ne serait peut-être pas bien difficile à découvrir ; nous doutons seulement qu’il fût très reconnaissant de la gloire que lui fait cette révélation. Lorsque Macaulay a désigné Dalrymple comme l’auteur caché de certain massacre de Highlanders jacobites sous le règne de Guillaume III, il y avait cent cinquante ans que l’aristocratique maître de Stairs reposait dans la tombe avec les secrets de sa vie publique.


III.

Les Cafres sont, à proprement parler, les seuls indigènes que le gouvernement anglais ait eu pour adversaires jusqu’au jour où, par l’annexion du Transvaal, il s’est mis sur les bras les Betchuanas et les Zoulous, et a tourné contre lui des haines qui ne s’étaient jamais adressées encore à d’autres qu’aux boers, rapide punition de l’acte arbitraire qu’il a cru devoir commettre. C’est aux boers en effet qu’appartient la triste gloire d’avoir introduit dans l’histoire contemporaine des colonies sud-africaines les redoutables peuplades que nous venons de nommer. Ce fut un chef zoulou fugitif, Mazulekatze, qui leur fit éprouver leur premier grand échec, et lorsqu’à la suite d’un sanglant désastre ils repassèrent le Vaal et entrèrent dans le Natal, ils se heurtèrent contre la puissance même du roi des Zoulous. De toutes les peuplades de l’Afrique australe, les Zoulous sont ceux dont l’histoire et le caractère présentent les plus fortes couleurs orientales ; aussi lorsque les boers les trouvèrent devant eux purent-ils sans exagération, imbus comme ils l’étaient des lectures de la Bible, les prendre pour les peuples mêmes de Moab et d’Amalec. Nous ne sommes plus ici en présence de l’espèce de féodalité à demi rustique, à demi guerrière, et toujours divisée contre elle-même, des autres tribus africaines, mais bien d’une véritable monarchie militaire noire, redoutable par la concentration du pouvoir, l’unité du commandement et la discipline des sujets.