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leur offraient un moyen de rétablir leurs affaires. Le centre ultramontain consent à voter les droits protecteurs ; mais, sous peine d’encourir la réprobation de ses commettans, il ne pouvait accepter sans réserve les lois fiscales, les droits sur le tabac et sur la bière. Il se croyait tenu tout au moins de ne les voter que pour un temps déterminé, d’insister sur le maintien des contributions matriculaires, d’exiger que les nouvelles recettes n’entrassent pas dans les caisses impériales et qu’elles fussent réparties immédiatement entre tous les états allemands. C’est une exigence dont M. de Bismarck ne pouvait que difficilement s’accommoder. Il entend que les nouvelles recettes arrivent à Berlin, qu’elles n’en sortent que par son ordre, et que le cas échéant elles y restent. Qui désire le contraire est l’ennemi de son bonheur. Pour avoir raison de la résistance des catholiques, il a fait mine de se retourner vers les libéraux, de s’adresser à leurs bons sentimens. Joignant les avances aux rebuffades et les insinuations aux reproches, il leur a fait entendre qu’ils avaient pris la mouche trop vite, qu’ils s’étaient abusés sur ses intentions, qu’il respecte infiniment les lois de mai, que M. Falk lui est cher, que rien n’est changé dans son cœur. L’autre jour, dans la chaleur de la discussion sur la loi monétaire, il s’est exprimé avec un suprême mépris « sur ces projets de réaction extravagans et dérisoires, qu’on lui prête gratuitement, abenteuerliche Pläne von Reaction. » Les libéraux renaissaient déjà à l’espérance, mais ils auraient voulu que le chancelier se prononçât plus nettement. Les catholiques, d’autre part, attendent toujours quelque effet sensible des bonnes paroles qu’on leur a données. Oronte et Alceste mettent Célimène en demeure de se déclarer. À quoi Célimène répond :


Ils veulent l’un et l’autre avec même chaleur
Que je prononce entre eux le choix que fait mon cœur,
Et que par un arrêt, qu’en face il me faut rendre,
Je défende à l’un d’eux tous les soins qu’il peut prendre.


Le silence vaut de l’or. Célimène se tait ou par le à mots couverts ; alium tenet, alii nutat, comme disait le vieil Ennius. Oronte comme Alceste, Alceste comme Oronte, n’ont jamais pu avoir une ligne de son écriture. Quand elle ne les rudoie pas, elle leur prodigue ses sourires, et son sourire veut dire : « Mon cœur est au plus offrant. »

Les catholiques ont craint que M. de Bismarck ne renouât avec ses anciens alliés, et ils se sont désistés de quelques-unes de leurs prétentions. Ils renoncent à ne voter certains droits que pour un temps déterminé et sous bénéfice d’inventaire. Ils exigeaient que les excédans servissent à dégrever les contribuables, et ils en demandaient des garanties, ils se contenteront de simples assurances. À la vérité, ils se proposent de maintenir les contributions matriculaires, et ils entendent qu’au-delà