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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/357

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avoua qu’il avait reçu d’un chef de barricades, qu’il ne nomma pas, l’ordre d’incendier le plus de maisons qu’il pourrait, à son choix. Il ne savait point que les troupes françaises occupaient le quartier, et il était venu imprudemment se jeter au milieu d’elles. Il fut appuyé contre un mur et fusillé ; un coup de feu tiré de près enflamma le pétrole dont il était porteur, et le cadavre brûla sur place. Ce fait semble démontrer qu’il y eut des hommes, — peut-être des fuséens du docteur Parisel, dont le citoyen Lutz était le commandant, — qui furent spécialement outillés pour l’incendie.

Les communards de mauvaise foi, — ils sont nombreux, — n’acceptent qu’un seul incendie, celui du château des Tuileries, — repaire des tyrans. Ils répudient les autres ; ils s’en lavent les mains dans l’huile de pétrole et disent : Ce n’est pas moi ; j’excepte cependant un groupe de contumax, réunis sous le nom de commune révolutionnaire, dont je parlerai bientôt, et qui a le courage de revendiquer hautement sa part de responsabilité dans tous les désastres prémédités. Un ambitieux, qui a cru faire sa fortune politique et militaire en servant cette détestable cause, ne s’y trompe pas cependant, et, sans ménagement, à l’heure suprême, à l’heure où l’on ne ment pas, il dénonce les coupables. « L’odieux de ces incendies n’a pas besoin d’exagération, a écrit Rossel ; la majorité de la commune peut être justement accusée de ces crimes ; Félix Pyat et les blanquistes en sont les instigateurs[1]. » Par le mot majorité, Rossel entend la partie violente qui, en opposition aux économistes, vota pour la création du comité de salut public. Il n’a pas tort, son accusation porte juste, et cependant parmi les membres de cette majorité excessive il s’en trouva un que les incendies désespérèrent : c’est Clovis Dupont, un vannier de Saint-Cloud, où il avait reçu jadis, après sollicitation, des secours sur la cassette impériale. Il avait motivé ainsi son vote en faveur du comité de salut public : « Attendu que si la commune a su se faire aimer de tous les honnêtes gens, elle n’a pas encore pris les mesures nécessaires pour faire trembler les lâches et les traîtres, et que, grâce à cette longanimité intempestive, l’ennemi a peut-être obtenu des ramifications dans les branches essentielles de notre gouvernement. » Il voulait donc bien que l’on fît trembler, mais il ne voulait point que l’on brûlât. Au moment des dernières batailles, Clovis Dupont était délégué en qualité d’adjoint à la mairie du IIIe arrondissement. Le 24 mai, alors que les ordres d’extermination étaient expédiés de tous côtés, il ne craignit pas de s’adresser directement au comité de salut public et de lui écrire : « L’Hôtel de Ville et la préfecture de police sont la proie des flammes ; en continuant

  1. Rossel, Papiers posthumes, p. 181-183.