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judiciaires que lui avait léguées la monarchie. Elle supprima les épices et la vénalité, sans rembourser les titulaires des offices, parce qu’elle ne se croyait pas obligée d’indemniser ceux qui avaient participé aux abus, et comme le principe de la souveraineté s’était déplacé, elle transféra au peuple la nomination des magistrats en laissant au roi le droit d’investiture. Les juges de paix, création nouvelle qui rappelait la justice arbitrale des voisins de l’époque mérovingienne, furent élus pour deux ans, les juges des tribunaux civils et criminels pour cinq ans, ceux du tribunal de cassation pour quatre ans. Des conditions de capacité furent exigées des candidats, et, afin d’assurer aux justiciables toutes les garanties qu’ils étaient en droit de réclamer, l’assemblée institua le jury pour les causes criminelles. La nouvelle organisation commençait à peine à fonctionner que déjà les inconvéniens du système électif se faisaient sentir ! Les passions politiques, de jour en jour plus ardentes, dictaient seules les choix, sans tenir compte des aptitudes. Tout allait au hasard, lorsque la convention mit le comble au désordre ; elle commença par renouveler le personnel, et fit disparaître les conditions de capacité. Quelques-uns de ses membres en réclamèrent le maintien. — Le peuple, répondit Danton, ne veut pas de ses ennemis dans les emplois publics, laissez-le choisir ses amis. — Les juges furent remplacés par des arbitres publics élus tous les ans ; mais ces arbitres, étrangers la plupart à la science du droit, ne pouvaient suivre la marche méthodique d’une action ; pour simplifier leur besogne, on décida qu’il serait statué sur défenses verbales ou sur simple mémoire, en laissant toutefois aux parties la faculté de se faire représenter par des fondés de pouvoir, munis de certificats de civisme. Ce retour à la procédure directe, sans intermédiaires entre les plaideurs et des juges improvisés, donna lieu aux plus graves erreurs. La convention ne prit aucune mesure pour améliorer le régime qu’elle avait décrété, et, violant elle-même le principe de l’élection par l’universalité des citoyens, elle institua, dans la nuit du 10 au 11 mars 1793, un tribunal criminel extraordinaire dont elle choisit les juges, les jurés et les accusateurs parmi ses membres, et qui devait poursuivre les contre-révolutionnaires et les conspirateurs réels ou supposés. Au moment de sa création, des commissaires, au nombre de six, furent chargés d’examiner les dossiers et de surveiller les procédures ; mais quand un pouvoir a mis le pied sur le terrain fatal de l’arbitraire, il ne s’arrête plus, parce que l’arbitraire n’a point de bornes. Les derniers semblans de garantie ne tardèrent point à disparaître. La loi du 26 juin 1793 ordonna aux juges d’opiner à haute voix et en public ; quatre mois plus tard, le tribunal criminel fit place au tribunal révolutionnaire, qui