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le point le plus favorable à une coupe artificielle, et Fernand Cortez fit de ce projet de coupure l’objet d’un mémoire adressé à Madrid, en 1528. De leur côté, en 1534, les autorités de la province de Nicaragua adressèrent au roi d’Espagne une supplique dans laquelle ils exposaient qu’une communication entre les deux océans par le grand lac de Nicaragua pouvait et devait être établie. Dès cette époque, trois tracés étaient mis en avant : Nicaragua, Tehuantepec et Panama, mais on n’en exécuta aucun. Deux siècles plus tard les successeurs de Charles-Quint traitent d’audacieux novateurs les créoles mexicains qui offrent d’ouvrir un passage à Tehuantepec ; ils repoussent les propositions du vice-roi de la Nouvelle-Espagne et notamment celles de Revillagiedo et d’Uturrigaray ; enfin, ils défendent toute publication sur leurs colonies, dans la crainte d’exciter la convoitise des étrangers. Les Anglais, peu intimidés par ces sortes de prohibitions, voulurent pourtant, en 1780, connaître et, qui mieux est, conquérir l’intérieur de l’Amérique centrale. Ils se réunissent à San Juan del Norte, plus connu aujourd’hui sous le nom de Greytown, avec une escadrille de bâtimens de transport, escortés par un gros vaisseau de 54 canons, deux frégates, une corvette, cette dernière commandée par un jeune officier d’un bel avenir, Nelson. La petite flotte jeta l’ancre dans le port de San Juan, en face d’une plage déserte ; les soldats qu’elle portait s’embarquèrent sur des barques manœuvrées à la rame par des Indiens, remontant ainsi le Rio San Juan jusqu’en vue du lac du Nicaragua. Mais là, un fort du nom de San Carlos, bien posté pour défendre l’entrée du lac, arrêta les envahisseurs par les coups bien dirigés de son artillerie. Les Indiens, — des Zambos, — s’enfuirent dès qu’ils virent pleuvoir sur eux la mitraille et les bombes. D’un autre côté, les Américains du centre s’étant soulevés en masse contre les envahisseurs, les Anglais, qui ne pouvaient recevoir des renforts de la Jamaïque où la peste régnait, se virent obligés d’opérer une retraite précipitée. Si l’on en croit le témoignage du colonel Hodgson, l’expédition aurait coûté à ses compatriotes 15 millions de francs, et quinze cents hommes. L’artillerie d’une petite redoute ne pouvait avoir causé une telle mortalité. Est-ce de maladie qu’ils sont morts ? Nous ne le croyons pas non plus, car le climat de Nicaragua, à l’opposé du climat de Darien et de l’isthme de Panama, est des plus sains que l’on connaisse en raison des brises océaniennes qui chaque jour en purifient l’atmosphère.

Quoi qu’il en soit, en 1858, une nouvelle escadre anglaise venue de la Jamaïque s’empara du port et de la ville de San Juan de Nicaragua, sous le prétexte d’y installer officiellement un jeune roi indigène, d’un nom bien anglais pourtant, George William Clarence. C’était la continuation du système qui avait fait entreprendre à