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La déportation telle qu’elle a été pratiquée en grand depuis un demi-siècle n’a réussi ni à la Sibérie qui en devait bénéficier, ni à la Russie qu’elle devait débarrasser, ni aux condamnés qu’elle devait moraliser. Cette peine, qui semblait mieux que toute autre répondre au double but de correction morale et de défense sociale que se propose toute législation pénale, n’a donné en Russie que de tristes et décourageans résultats. A quelque point de vue qu’on se place, intérêt de la société, intérêt du condamné, intérêt de la colonisation, le régime suivi depuis si longtemps s’est montré inefficace. La chose est si certaine qu’en dépit de la routine, en dépit de la commodité de ce système de débarras, on y aurait peut-être déjà renoncé sans les besoins de la IIIe section, sans la difficulté de savoir que faire des prisonniers politiques.

Si la déportation doit continuer, c’est sur une moindre échelle et dans d’autres conditions. Une révision du code pénal est devenue manifestement indispensable, c’est une de ces réformes accessoires, politiquement inoffensives, dont le gouvernement russe s’occupe volontiers dans la seconde moitié du règne actuel, une de ces menues réformes qui complètent et au besoin corrigent et restreignent les grandes. La révision des lois pénales devait être la contre-partie de l’abrogation des châtimens corporels, qui tenaient trop déplace dans la législation pour en pouvoir disparaître sans affaiblir et énerver la loi.


IV.

L’étude de la réforme pénale a été confiée vers 1876 à une commission présidée par l’un des esprits les plus éclairés de l’empire, M. de Grote. Les travaux de cette commission, aujourd’hui terminés, doivent servir à une réforme pénitentiaire en même temps qu’à une révision du code pénal. Le principal problème était une plus juste gradation des châtimens. La législation actuelle pèche à la fois par deux excès opposés, par trop d’indulgence pour de grands crimes, par trop de sévérité pour de petits délits. Les punitions étaient disproportionnées à la faute, la Sibérie comme jadis les verges se trouvant au bout de presque toute condamnation. D’après la nouvelle échelle des peines, telle qu’elle a été arrêtée dans les travaux de la commission, la mort doit rester à l’état de châtiment