Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la seule qui doive être acceptée, à notre avis, si l’on tient à faire un travail de répartition générale, cette réforme est-elle possible et ne soulève-t-elle pas des objections graves? C’est ce que nous allons examiner sommairement.

La mobilité de l’impôt foncier, que nous accepterions comme un progrès dans les conditions que nous avons indiquées, est vivement critiquée par un grand nombre de personnes, qui considèrent, au contraire, la fixité comme la qualité essentielle de la contribution foncière. Dans ce nombre nous citerons des financiers éminens : le baron Louis, le comte Mollien, le comte Roy, MM. de Chabrol et Humann. Ils disent que la fixité des contingens, en ce qui concerne la propriété rurale, est commandée par la matière imposable elle-même, qui est permanente de sa nature, et que les évaluations du revenu ayant été faites en raison des qualités intrinsèques de la terre, doivent rester invariables. Ils invoquent l’intérêt de l’agriculture, qui ne pourrait pas prospérer si les améliorations devaient entraîner le rehaussement de l’impôt.

Malgré notre déférence pour ces grands maîtres, nous ne pouvons pas accepter les deux motifs donnés à l’appui de leur opinion.

La propriété foncière n’est pas une matière imposable invariable. Lorsqu’une terre inculte et improductive est convertie en un vignoble fertile, elle constitue, dans son dernier état, au point de vue de l’impôt qui, légalement, est proportionnel au revenu, une chose essentiellement différente de la terre primitive. De même, une forêt inexploitée et inexploitable à cause de ses accès difficiles, qui est ultérieurement traversée par une voie ferrée et desservie directement par une gare, est évidemment une chose imposable toute différente. On ne peut donc pas dire que la terre, à ce point de vue particulier, soit permanente et immuable.

On ajoute qu’il faut encourager l’agriculture, que les propriétaires, rassurés contre la crainte de voir le fisc venir prendre sa part dans la plus-value obtenue par leur industrie, se livrent à des travaux d’amélioration qu’ils ne feraient probablement pas, si le revenu qu’ils obtiennent par ces travaux devait être imposé; que d’ailleurs l’état profite indirectement de la plus-value donnée aux terres, en prenant des droits de mutation plus élevés en cas d’aliénation.

Ce second motif ne peut pas nous convaincre davantage. Les industriels qui veulent perfectionner ou augmenter leurs moyens de production ne sont point arrêtés dans l’exécution de leurs projets par les droits de patentes qui s’accroissent à raison du développement de l’industrie; l’impôt qui sera établi sur les maisons nouvelles n’empêche pas davantage de construire. On ne peut pas, en vérité, supposer que le propriétaire d’une terre inculte qui peut, en