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temple, dans la poussière et dans l’ombre, presque sous les pieds du premier venu[1].

Quels qu’aient été les mérites de Martin V et d’Eugène IV envers Rome monumentale, c’est assurément Nicolas V (1447-1455) qui a été, parmi les papes, le premier vrai représentant de la renaissance, soit par la considérable série de ses entreprises, soit par la grandeur de ses conceptions et la hauteur de ses vues. M. Müntz a dépeint en d’excellentes pages l’ardeur incomparable de ce pontife. « On le voit occupé sans cesse, dit-il, à prodiguer ses faveurs à presque toutes les branches de l’art. En même temps que ses constructions s’élèvent avec une rapidité vertigineuse, il réunit et dresse une véritable armée de peintres, de verriers, de calligraphes, d’enlumineurs, d’orfèvres, de brodeurs. Il installe à Rome un atelier de tapisseries; il envoie dans les différentes parties de l’Europe des agens chargés de lui rapporter ce qu’ils trouveront de rare ou de précieux en tout genre... Un mélange de rares qualités fait de lui la personnification la plus complète de la renaissance sur le trône pontifical. Son amour pour la littérature classique, les sacrifices immenses qu’il s’imposa pour créer au Vatican une bibliothèque sans rivale; dans un autre ordre d’idées, la reconstruction de la basilique de Saint-Pierre et du palais du Vatican, ses projets grandioses pour la transformation de la ville éternelle, de ses rues et de ses places, sont autant de titres qui lui assignent le premier rang parmi les protecteurs des arts et de l’humanisme. Il a été donné à d’autres de laisser des traces plus durables de leur activité. Les monumens qui proclament la gloire de Jules II et de Léon X sont plus nombreux que ceux sur lesquels on lit le nom de Nicolas V; mais, outre que Jules II et Léon X n’ont fait que suivre la voie inaugurée par celui-ci, leur programme ne saurait se mesurer avec le sien ; on n’y trouve pas au même degré la grandeur en quelque sorte épique de la conception, ni cette jeunesse, cette fraîcheur d’impression, cet enthousiasme naïf qui prêtent tant de charme à la période si justement appelée la première renaissance. » Voilà qui est très juste et très bien dit : Nicolas V était animé en

  1. Pistolesi lit tout autrement l’inscription; il croit qu’il y a Celeris opere pretium fastus fumusque mihi, et il voit dans ces paroles un témoignage du dépit de l’auteur, dont l’œuvre n’aurait pas réussi. Il y a à répondre d’abord que l’avant-dernier mot ve est très lisible, et que le mot précédent, effacé en partie, paraît bien avoir eu six lettres. De plus, cette interprétation ne cadre certainement pas avec ce qui est représenté : l’auteur et ses élèves sont en danse et en fête. Antonio est si peu mécontent de son travail qu’il a mis son portrait et par deux fois son nom sur la façade même, en pleine lumière. L’auteur de l’article Averulino, dans le Künstler-Lexicon de Meyer, lit : Ceteris opere pretium fastus fumusve, mihi Hilaritas. Je n’ai pas vu trace de ce dernier mot.