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l’antiquité qui ont subsisté jusqu’alors ; mais il faut attendre que le difficile commentaire d’un tel document soit préparé, et il ne peut l’être que par M. de Rossi ou par un des plus habiles entre ceux qui tiennent à honneur de se dire ses élèves, par M. Rodolphe Lanciani, ingénieur et archéologue, déjà bien connu pour sa participation très active à la direction des fouilles municipales. M. Lanciani prépare lui-même une carte générale destinée à compléter et à rectifier celle de Canina : il y montrera quelles ruines subsistent sur le sol, quelles ont été les principales fouilles modernes, et ce qu’on peut restituer avec certitude, à l’heure qu’il est, de la ville antique.

Rome mérite tant de soins ; l’archéologie y a des droits et des devoirs plus grands qu’ailleurs, et une dignité particulière. Les moindres détails, qui n’auraient autre part qu’une valeur locale, prennent ici une importance historique, car il n’y a pas de ville au monde qui ait eu un plus haut caractère et une personnalité plus vivante. Ses monumens ont eu vraiment leur part dans ses destinées, qui ne l’intéressaient pas seule : ils ont transmis le souvenir de sa gloire, dont ils étaient de perpétuels témoignages ; ils ont souffert au moyen âge en même temps qu’elle ; il semble qu’ils aient partagé non-seulement ses vicissitudes, mais ses passions. Ils ont été guelfes ou gibelins ; ils ont lutté pour le sacerdoce ou pour l’empire. Symboles de grandeur et de majesté, ils ont participé eux-mêmes de ces caractères, grâce auxquels on peut dire qu’ils ont exercé une durable influence à travers les âges. Le seul aspect des antiques ruines de Rome, réveillant les souvenirs, invitant au respect, provoquant la recherche érudite, a été pour une part dans le mouvement intellectuel et moral dont se sont inspirés les temps modernes ; il a ému d’admiration un Raphaël et contribué au court mais splendide essor de la seconde renaissance à Rome ; il s’est continue, comme par un magnifique reflet, dans ces nobles villas, dans ces vastes palais des princes romains, types merveilleux d’une ample et sévère beauté. Le tableau de l’enfantement d’un essor si original et si intense est une page capitale de l’histoire de l’art. Cette page était pour nous incomplète parce que la Rome du moyen âge et celle même du XVe siècle sont imparfaitement connues encore. On saura gré à M. de Rossi et à M. Müntz d’avoir, par les deux publications que nous avons essayé de faire connaître, contribué à nous la rendre.


A. Geffroy.