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justifiait son opinion par des raisons historiques en rappelant que la durée des parlemens avait commencé par être de trois années, que c’étaient les wighs qui, en 1714, pour se perpétuer au pouvoir, l’avaient étendue à sept années, et que, pendant l’ère des George, les tories n’avaient cessé de protester contre la septennalité et de réclamer le retour à l’ancienne coutume. Loin de mériter le reproche d’être un radical et un ennemi de la constitution, il ne faisait donc que suivre la doctrine et l’exemple des hommes les plus illustres du parti tory. Quant au scrutin secret, il lui paraissait une conséquence nécessaire de la réforme : du moment que l’on conférait l’électorat à des citoyens dont la condition offrait moins de garanties d’indépendance, il devenait utile de leur assurer le moyen d’exercer leur droit de suffrage à l’abri de toute intimidation et de toute influence illégitime.

Disons tout de suite, pour n’avoir point à y revenir, que la fréquence des dissolutions qui se succédèrent à de courts intervalles ne tarda pas à faire perdre de vue par l’opinion publique la première des deux réformes : le scrutin secret est la seule question sur laquelle M. Disraeli ait fait aux préventions de son parti le sacrifice de ses sentimens personnels.


III.

Après avoir exposé les opinions du candidat, il nous reste à raconter ses mésaventures. High Wycombe n’avait qu’environ quarante électeurs, presque tous dans la dépendance de M. Robert Smith, qui était dévoué au ministère. Dans ces conditions, M. Disraeli ne pouvait espérer de réussir : il eut seulement 11 voix contre 23 données au colonel Grey; mais il n’avait tenté cette première épreuve que pour se faire connaître des habitans de High Wycombe et préparer le terrain en vue de la nouvelle élection qui devait suivre la dissolution du parlement. L’application du bill de réforme éleva le nombre des électeurs à près de 300 : M. Disraeli s’était déjà concilié assez de sympathies dans la ville pour que le colonel Grey s’en alarmât; un des membres de l’administration, lord Nugent, fut envoyé pour seconder M. Smith et jeter dans la balance électorale le poids de l’influence ministérielle. M. Disraeli avait affaire à trop forte partie : c’eût été miracle que, débutant dans la vie politique, en dehors des deux grands partis qui se disputaient le pouvoir, et ayant contre lui le propriétaire le plus influent de la circonscription, il l’emportât sur un personnage aussi considérable que le colonel Grey, énergiquement soutenu par le gouvernement. M. Smith eut 179 voix, le colonel Grey 140, et M. Disraeli 119. L’échec était honorable; mais il semblait fermer