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fidèle aux anciens poètes, les reconnut pour ses maîtres et se plut à imiter leurs vers vigoureux et sobres ; mais la nouvelle école avait pour elle ce qui donne le succès, la jeunesse et les femmes. Ces belles affranchies, qui régnaient dans les réunions du monde et gouvernaient les hommes politiques, aimaient à répéter les vers de Calvus et de Catulle. Dès lors l’imitation des alexandrins se glisse chez presque tous les poètes ; elle domine surtout chez Ovide et chez Properce, qui se proclame sans détour l’élève de Callimaque et de Philétas.

Voilà pourquoi les élégiaques romains se sont si souvent rencontrés avec les peintres de Pompéi. Ces ressemblances ne sont pas de simples curiosités qu’il est agréable de noter au passage : M. Helbig pense qu’il y a un intérêt sérieux à les signaler, et qu’elles peuvent nous aider à mieux connaître la littérature du siècle d’Auguste. Comme les poètes d’Alexandrie sont perdus, il est difficile de dire jusqu’à quel point ceux de Rome les avaient fidèlement reproduits et de distinguer ce qu’ils leur empruntent de ce qui leur appartient. Pour le savoir, comparons-les aux peintures de Pompéi : quand leurs descriptions rappelleront fidèlement quelque tableau pompéien, nous en conclurons que le peintre et le poète avaient sous les yeux un modèle commun et qu’ils sont tous deux des imitateurs.

Nous ignorons à qui Catulle doit le plus beau de ses poèmes, celui où il dépeint Ariane abandonnée par Thésée et consolée par Bacchus. M. Riese pense qu’il l’a traluit de Callimaque, mais il n’en a pas donné de preuve certaine ; ce qui est sûr, c’est que ce sujet se trouve fort souvent reproduit sur les murailles de Pompéi ou d’Herculanum, et que par conséquent il devait être très commun chez les poètes d’Alexandrie. C’est bien aussi à la manière alexandrine que Catulle l’a traité : il mêle à des traits de passion profonde beaucoup de diminutifs gracieux, il ne néglige pas de décrire, en ce moment terrible, la toilette de son héroïne, de nous dire en passant un mot de sa chevelure blonde et de ses petits yeux charmans, de raconter enfin que, lorsqu’elle s’avance dans les flots pour essayer de suivre son amant qui s’enfuit, elle a soin de relever sa robe jusqu’au genou

Mollia nudatæ tollentem tegmina suræ.


Virgile aussi a commencé par céder au goût du moment et par imiter les alexandrins. C’est ce qui explique les défauts qu’on reproche à ses premiers ouvrages. On trouve dans ses Bucoliques quelques incohérences qui surprennent chez un esprit si juste et si fin. Ces bergers d’Arcadie qui habitent les bords du Mincio,