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prouve une fois de plus que, si l’on tient à être apprécié de travers, on peut s’adresser aux siens en toute assurance.

Entré dans la vie avec la révolution, il en partagea tous les espoirs et, comme il était naturel à son âge, toute la première turbulence. Nous le voyons emprisonné à Arras en 1790 pour avoir protesté contre le renvoi de trente cavaliers de son régiment pour cause d’opinion. Bientôt remis en liberté, il vécut dans la retraite jusqu’en 1792, où nous le trouvons enrôlé volontaire et commandant le 3eme bataillon des gardes nationales de l’Yonne. Un peu plus d’un an après, vers la fin de 93, il donnait spontanément sa démission et allait partager la prison de sa mère, arrêtée pour correspondance avec certains émigrés. Parmi ces incidens de la vie de jeunesse de Davout, il en est un qui doit nous occuper particulièrement, son rôle comme commandant du 3eme bataillon de l’Yonne. Sur ce sujet nous avons les renseignemens les plus directs, les plus abondans et les plus authentiques, la série même des rapports adressés par le jeune officier aux administrateurs de son département. Ils sont singulièrement curieux ces rapports, moins encore pour les faits qui s’y rencontrent, — et ces faits ont cependant leur importance, — que parce qu’ils nous permettent de mesurer avec la plus extrême exactitude le degré thermométrique des passions républicaines de Davout pendant les deux terribles années qui suivirent la chute de la monarchie. Ces passions, il faut le dire, sont portées au plus haut degré de chaleur et d’énergie. Nous apprenons par ces rapports que Louis Davout fut adversaire ardent de la politique des girondins, et qu’il n’avait pas attendu pour se prononcer à cet égard que la fortune se fut déclarée contre cet infortuné, mais coupable parti.


«Les conspirateurs de l’intérieur et les ennemis déclarés de la république, écrit-il le 2 juin 93, trouveront toujours le bataillon sur leurs pas prêt à s’opposer à leurs infâmes projets. Car notre patriotisme n’est point équivoque ; il n’est point de circonstance ; nous sommes et nous mourrons, telle chose qui arrive, républicains. L’âme de Pelletier est passée dans les nôtres; c’est assez vous dire quelles sont nos opinions et quelle sera notre conduite dans la crise où peut-être va nous plonger de nouveau une faction qui cherche à mettre la guerre civile entre les départemens et Paris. Nous espérons qu’aucuns de nos concitoyens ne se laisseront égarer par la perfide éloquence de quelques-uns de ces agens républicains. Déployez toute votre énergie, elle est plus que jamais nécessaire; surveillez tous ces Tartufes modérés, ces hommes suspects; surveillez-les de si près qu’ils perdent dès ce moment l’espoir de réaliser leurs infâmes projets. »


Ces lignes, disons-nous, sont écrites du 2 juin 93, c’est-à-dire