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simple patriotisme commandait le recueillement, le retour sur soi-même, l’effort individuel au profit de la communauté, la soumission aux lois et le respect de sa propre dignité en présence de l’ennemi. Si l’indignation que j’ai ressentie alors s’est apaisée, elle a été ravivée par l’attitude provocante que les contumax ont affectée, par les projets de revanche qu’ils ont formulés, par les accusations iniques qu’ils ont portées contre la France, qui avait été réduite à les combattre et à les vaincre pour ne pas périr, lis frelataient si résolument leur histoire qu’il m’a paru convenable de dire ce que j’en savais pour lui rendre les médiocres et honteuses proportions dans lesquelles elle se meut.

Du 18 mars au 28 mai, je suis resté à Paris, attentif aux faits dont j’étais le témoin, me mêlant aux hommes, regardant les choses et prenant des notes; un goût inné pour la recherche des documens originaux m’a poussé à réunir de nombreuses pièces authentiques; des collections importantes d’autographes m’ont été ouvertes, des correspondances écrites alors au jour le jour m’ont été confiées, des journaux intimes rédigés par des hommes considérables ont été mis à ma disposition, de grandes administrations m’ont libéralement ouvert leurs archives. Appuyé sur de tels élémens, j’ai pu écrire quelques fragmens d’une histoire de la commune et leur donner, — je le crois du moins, — un degré d’exactitude qui mérite d’inspirer confiance au lecteur. Je n’ai pas besoin de dire que si, dans ces récits et dans les détails multiples qu’ils comportent, il s’est glissé des erreurs, ces erreurs sont absolument involontaires : nul esprit de parti ne m’a guidé, car je n’appartiens à aucune faction politique ; l’étiquette gouvernementale m’est indifférente, pourvu que le gouvernement assure à chacun la sécurité à laquelle donne droit le paiement de l’impôt ; je n’ai recherché que la vérité ; j’ai tout mis en œuvre pour la découvrir et la faire connaître.

Plaise à Dieu que le récit de cette lugubre aventure en épargne le retour à la ville incomparable et terrible dont j’ai essayé de raconter la vie normale et les convulsions; plaise à Dieu, comme dit le chœur dans les Euménides d’Eschyle, « que jamais au sein de notre cité, la discorde insatiable de crimes ne fasse entendre ses clameurs, que jamais la poussière ne soit abreuvée, ne soit rougie du sang des citoyens, que l’intérêt de l’état domine dans tous les cœurs, que l’un pour l’autre les hommes soient pleins d’amour! » Puissent ceux qui viendront après nous vivre loin des malheurs qui nous ont accablés! Puisse le vaisseau symbolique de Paris, échappé déjà à tant d’orages, ne pas faire mentir sa vieille devise: Fluctuat nec mergitur ! Qu’il vogue avec bon vent de fortune, et que jamais il n’ait plus à lutter contre les tempêtes déchaînées par l’alcoolisme, l’ignorance et l’envie!


MAXIME DU CAMP.