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garder pour l’avenir cette facilité de rompre son mariage quand il le croirait vraiment utile, il repoussait toujours, mais avec douceur, les demandes de sa femme à cet égard. Elle se détermina à attendre l’arrivée du pape, se flattant avec raison qu’en pareille occasion il entrerait facilement dans ses intérêts.

À ce moment, toute la cour se livra sans relâche aux apprêts des cérémonies du couronnement et l’impératrice s’entoura des meilleurs artistes de Paris et des marchands les plus fameux. Aidée de leurs conseils, elle détermina la forme du nouvel habit de cour et son costume particulier. On pense bien qu’il ne fut pas question de reprendre le panier, mais seulement d’ajouter à nos vêtemens ordinaires ce long manteau, qu’on a conservé lors du retour du roi, et une collerette de blonde appelée chérusque, qui montait assez haut derrière la tête, était attachée sur les deux épaules, et qui rappelait le costume de Catherine de Médicis. On l’a supprimée depuis, quoique, à mon avis, elle donnât de la grâce et de la dignité à tout l’habit. L’impératrice avait déjà des diamans pour une somme considérable. L’empereur en ajouta encore à sa parure. Il mit dans ses mains ceux qu’on possédait au trésor public, et voulut qu’elle les portât ce jour-là. On lui monta un diadème brillant qui devait être surmonté de la couronne fermée que l’empereur lui poserait sur la tête. On fit secrètement des répétitions de cette cérémonie, et le peintre David, qui devait en faire ensuite le tableau, dirigea les positions de chacun. Il y eut d’abord d’assez grandes discussions sur le couronnement particulier de l’empereur. La première idée était que le pape placerait cette couronne de ses propres mains; mais Bonaparte se refusait à l’idée de la tenir de qui que ce fût, et il dit à cette occasion ce mot que Mme de Staël a rappelé dans son ouvrage : « J’ai trouvé la couronne de France par terre, je l’ai ramassée. » Il eût pu ajouter : « avec la pointe de mon épée. » Enfin, après de longues délibérations, on détermina que l’empereur se couronnerait lui-même, et que le pape donnerait seulement sa bénédiction. Rien ne fut négligé pour l’éclat des fêtes : l’affluence devint nombreuse à Paris. Une partie des troupes y fut appelée; toutes les autorités principales des provinces, l’archichancelier de l’empire germanique et une foule d’étrangers y arrivèrent aussi. Quelles que fussent les opinions particulières, on se laissa aller dans la ville au plaisir et à la curiosité qu’inspiraient un événement si nouveau et la vue d’un spectacle que tout annonçait devoir être magnifique. Les marchands fort occupés, les ouvriers de tout genre employés se réjouissaient d’une telle occasion de gain pour eux; la population de la ville semblait doublée ; le commerce, les établissemens publics, les théâtres y trouvaient leur profit, et tout paraissait actif