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dans le débat des considérations nouvelles, des argumens imprévus. Nul ne songeait à contester son talent de parole, et sa verve sarcastique le faisait redouter des jouteurs les plus expérimentés du parlement. Il votait habituellement avec les tories, mais il n’hésitait pas à se séparer d’eux, à parler et à voter en faveur des motions présentées par les radicaux, si la liberté de conscience ou l’égalité civile étaient en jeu. Il reconnaissait néanmoins sir Robert Peel pour son chef et se déclarait fier d’être un de ses soldats. Il était surtout frappé de la persévérance et de l’habileté merveilleuse avec lesquelles Peel avait su reconstituer le parti conservateur après les élections qui avaient suivi le bill de réforme. Peel avait trouvé ce parti réduit à cent cinquante-cinq membres, abattu, découragé et abandonnant la lutte. Il l’avait rallié et ramené au combat; il avait tourné son attention et ses efforts vers la préparation des élections, et au bout de quelques années ce parti était redevenu assez puissant pour balancer les forces ministérielles et prétendre au pouvoir. M. Disraeli retrouvait donc dans Peel quelques-uns des mérites qu’il avait lui-même célébrés dans Bolingbroke et dans Pitt, et il fit son éloge dans les termes les plus nobles et les plus élevés, en appuyant, en mars 1841, une motion dirigée par son chef contre le ministère.

Sauvé d’une défaite en 1840 par une faible majorité, parce que beaucoup de conservateurs n’avaient pas voulu faire coïncider le mariage de la reine avec une crise ministérielle, le cabinet Melbourne avait depuis lors marché d’échec en échec. Il avait comprimé par la force l’agitation chartiste; il ne l’avait pas apaisée, et M. Duncombe avait pu présenter une pétition couverte de treize cent mille signatures qui demandait la grâce des chartistes condamnés. En Irlande, O’Connell avait peine à maintenir dans les limites de la légalité l’agitation en faveur du rappel de l’union. Les finances étaient en désordre, et le ministère ne savait comment rétablir l’équilibre du budget. Il acheva de se perdre en voulant toucher à la législation sur les céréales par l’établissement d’un droit fixe réduit à 8 shillings. La motion de censure, que M. Disraeli soutint de toutes ses forces fut adoptée à une voix de majorité; le ministère répondit à ce vote par la dissolution du parlement.

M. Disraeli ne se représenta point à Maidstone. Il n’avait pas de relations personnelles avec le comté de Kent. Son collègue, M. Wyndham Lewis, à l’appui duquel il avait dû son élection, était mort; des compétitions s’annonçaient parmi les propriétaires ! du comté, et, dans l’intérêt du parti conservateur, M. Disraeli préféra leur laisser le champ libre. Il déclina la candidature qui lui fut proposée par les électeurs de Wycombe, mais il accepta celle qui fut offerte à M. Tomline et à lui par les électeurs de Shrewsbury.