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Ils ont attesté la force des antiques générations, ils ont abrité la faiblesse d’une Rome abâtardie, ils ont lutté contre la temps et contre les barbares, contre les guerres civiles et contre l’oubli; ceux d’entre eux qui ont pu résister à tant de causes de désastre ont enfin, dans les temps meilleurs, rencontré le respect. Les deux publications de M. de Rossi et de M. Müntz racontent, chacune pour une partie et à sa manière, cette histoire dont nous voudrions signaler les principaux traits. Nul ne marche impunément sous les palmiers, dit le proverbe oriental, et nul ne saurait non plus être spectateur indifférent des grandes ruines de Rome. Quand et comment se sont-elles accomplies? quel âge a été à ce sujet principalement coupable? quels pontifes ont essayé d’y porter remède? quelles restaurations ou quelles constructions nouvelles, quel développement nouveau des arts auxiliaires ont changé une fois encore la physionomie de la ville éternelle, avant que la renaissance du XVIe siècle vînt transformer entièrement l’aspect de Rome par des destructions sacrilèges que n’ont pas fait oublier plusieurs triomphantes substitutions?


I.

Les grands monumens de l’ancienne Rome qui ont subsisté pendant le moyen âge dataient presque tous de l’empire, ayant été élevés ou complètement réparés alors. Il en est peu qu’il ait conservés à peu près intacts après les avoir hérités de la république, comme le Panthéon; il en est peu qu’il n’ait agrandis ou restitués plutôt que de les détruire, car les institutions romaines les protégeaient. Chez un peuple au génie à la fois religieux et pratique, qui savait donner au principe de la propriété des racines si profondes, les édifices même d’un caractère purement civil suivant nous avaient quelque chose de sacré, et une surveillance attentive devait prévenir des désordres qui auraient en même temps causé un dommage matériel et constitué une sorte d’injure à la religion. L’édile républicain en avait la charge, la procuration et une série de textes législatifs pendant toute la période de l’empire montrerait quelles précautions étaient prises pour que l’aspect de Rome ne fût pas déformé par des ruines, ne urbs ruinis deformetur. On connaît le sénatus-consulte hosidien, renouvelé depuis Claude par Vespasien et Alexandre Sévère. Libanius cite un inspecteur des bronzes publics, et la Notitia dignitatum connaît un gardien des objets de prix, custos nitentium rerum. Cependant le grand nombre des dispositions législatives que nous a laissées à ce sujet la période impériale ferait soupçonner qu’il y avait sujet de craindre