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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/898

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horizontale, en d’autres termes, qu’elle était parallèle au niveau des liquides au repos, et perpendiculaire à la direction du fil à plomb. Mais cette définition est insuffisante, comme il est facile de le montrer. La verticale apparente indiquée par le fil à plomb, ou déterminée au moyen du niveau d’eau, du bain de mercure, etc., n’est autre chose que la direction effective de la pesanteur, qui peut être notablement influencée par des attractions locales dues à une distribution irrégulière des masses dont le sol est formé; le voisinage d’une montagne peut faire fléchir le fil à plomb d’une manière très sensible, et une caverne souterraine peut causer une déviation en sens opposé. Concevons maintenant les continens découpés par un réseau de canaux qui relient toutes les mers et en fassent, pour ainsi dire, une nappe continue; faisons abstraction des oscillations périodiques auxquelles donnent lieu les marées ; cette nappe, supposée immobile, qui représente le niveau moyen de la mer libre, offrira des intumescences suivies de dépressions par lesquelles s’accuseront les influences locales qui produisent la déviation du fil à plomb. L’attraction des continens doit causer une surélévation notable du niveau de la mer le long des côtes et un abaissement proportionnel du même niveau au large. Cette influence des continens a été signalée en 1842 par M. Saigey, qui trouve 36 mètres pour l’exhaussement probable de la mer sur les côtes de l’Europe. Sept ans plus tard, un célèbre physicien anglais, M. Stokes, a repris cette question en y appliquant toutes les ressources de l’analyse mathématique[1], et Philipp Fischer, en 1868, a calculé que le dénivellement dû aux attractions des masses continentales peut aller jusqu’à 900 mètres. Le niveau moyen des mers libres est donc, selon toute probabilité, une surface irrégulièrement ondulée. La surface idéale ou géométrique de la terre sera le sphéroïde régulier qui s’écarte le moins possible de ce niveau moyen, dont il égalise en quelque sorte le relief accidentel.

Les triangulations au moyen desquelles on mesure les arcs terrestres font connaître les dimensions et la configuration de ce sphéroïde par la comparaison des distances mesurées sur le terrain avec les amplitudes angulaires correspondantes qui se déduisent des latitudes et des longitudes astronomiques des stations. La partie la plus délicate des opérations consiste à faire la part des attractions locales qui inclinent l’horizon en faussant la direction du fil à plomb. C’est surtout dans les triangulations de la Russie et de l’Inde que cette difficulté s’est fait sentir. Tandis que, dans le Caucase,

  1. On the Variation of gravity at the surface of the Earth (Cambr. Philos. Trans., 1849). Borenius émet des idées analogues dans un mémoire public en 1843. Tout récemment, M. Benazet a trouvé 137 mètres pour la valeur probable de l’exhaussement de la mer dans le voisinage des côtes du Pérou.