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retiré sur la fin de sa vie auprès de l’abbé Entenfuss, fut tué par une explosion en s’occupant d’alchimie. L’une et l’autre version sont fondées sur des conjectures, car les documens dignes de foi manquent pour la vieillesse du docteur comme pour son enfance ; le lecteur est donc libre de choisir entre les deux.


II.

Loin de décroître après la disparition du héros, la renommée de Faust continua de grandir pendant tout le XVIe siècle. Les circonstances s’y prêtaient. Au milieu du tumulte d’idées produit par la réformation et la renaissance, il se trouvait que l’histoire du remuant docteur fournissait des argumens à toutes les opinions, de sorte que chacun s’en empara et la fit valoir à sa manière. L’église romaine y vit la preuve dont elle avait besoin pour montrer les dangers de la science. Elle considérait le désir de savoir, qui se faisait jour de toutes parts, comme un fruit de la réformation; l’homme qui en avait été possédé au point de sacrifier le bonheur éternel à sa passion lui servit d’exemple pour effrayer ceux que les idées nouvelles séduisaient. Loin de révoquer en doute que Faust eût possédé des pouvoirs surnaturels, elle encourageait cette croyance parmi le peuple, d’abord parce qu’elle la partageait, et puis parce qu’elle y avait avantage; l’église était intéressée à ce qu’on crût au diable, car elle était l’unique recours contre lui, la seule puissance en état de se mettre entre l’enfer et l’homme et d’arracher à Satan, au dernier moment, l’âme du pécheur.

D’autre part, les protestans crurent fermement que les pratiques criminelles dans lesquelles Faust s’était montré passé maître étaient le résultat de ce qu’ils appelaient les idolâtries catholiques, et ils estimèrent d’autant plus urgent de mettre la foule en défiance contre elles que personne sur cette terre ne possédait, selon eux, le pouvoir de remettre les péchés ; il ne suffisait donc plus de se repentir pour que le diable, lorsqu’il viendrait chercher sa proie, fût chassé honteusement avec de l’eau bénite et un crucifix. L’influence protestante est sensible dans la plus ancienne biographie connue de Faust. L’auteur anonyme de ce curieux récit, qui fut imprimé à Francfort en 1587, ne perd aucune occasion de faire jouer un rôle ridicule ou fâcheux aux membres du clergé romain. Méphistophélès s’y montre sous l’habit d’un moine, et lorsque son maître lui demande des objets de luxe ou des friandises, il va les chercher dans les logis des prélats. L’une des clauses du contrat qu’il passe avec Faust est que celui-ci ne se mariera pas, le mariage étant agréable à Dieu. Enfin il l’emmène passer trois jours au Vatican, ce qui fournit au chroniqueur l’occasion de décrire les pompes de la cour papale contraires à l’esprit de l’Évangile, et d’insister sur l’impuissance de l’église romaine envers les mauvais esprits; le saint-père et tous ses