marionnettes[1], n’a malheureusement été imprimé que fort tard. Les textes que nous en possédons ont été modifiés au gré de plusieurs générations de directeurs de théâtre et de montreurs de marionnettes, qui l’accommodèrent au goût de leur temps et de leur public. Mais, malgré les altérations et les interpolations, la vieille pièce de Faust, telle que M. Carl Engel nous la donne dans son Théâtre de marionnettes allemand, conserve des traces très nettes du conflit d’idées et de sentimens au milieu duquel elle est née. Elle se recommande par là à notre attention, et nous allons l’analyser brièvement.
Le prologue du Docteur Johann Faust se passe aux enfers. Goethe osera le transporter dans le ciel. L’idée de faire converser Dieu avec des diables qui l’appellent familièrement le vieux n’aurait sans doute pas été admise, au lendemain de Luther et de Calvin, par la censure ecclésiastique chargée de veiller à la moralité de la scène. C’est donc de Pluton que Méphistophélès reçoit la mission de tenter Johann Faust, « homme à l’esprit vigoureux et hardi, mécontent de lui-même et du monde. » Au premier acte, le rideau se lève sur le cabinet de travail du docteur, qui est en train de méditer sur la nature humaine. — « L’homme veut goûter à toutes les sciences; il aime le changement; il n’est jamais content de son sort: le mendiant veut devenir bourgeois; le bourgeois, noble; le noble, prince; le prince, roi; le roi, empereur. Il n’y a pas sous le soleil une créature vivante qui ait atteint le bonheur et la perfection dans la mesure de ses désirs. — Et toi aussi, Faust, tu n’es pas content de ton état. J’ai étudié toutes les sciences, l’Allemagne connaît le nom de Faust, — mais à quoi me sert tout cela? — Mes désirs restent inassouvis. — Ah! tout cela est trop peu de chose pour mon esprit. — J’ai honte de moi, — c’est pourquoi j’ai résolu de m’adonner à la nécromancie. »
À ce mut de nécromancie, il est interrompu par son bon génie, qui l’engage à continuer plutôt l’étude de la théologie, par laquelle il deviendra le plus heureux des hommes. Son mauvais génie le rassure en lui disant que par la nécromancie il deviendra, non-seulement le plus heureux des hommes, mais encore le plus savant. Il se laisse tenter et ouvre un livre de magie envoyé par un donateur inconnu. Les esprits infernaux obéissent à ses évocations, et alors a lieu la scène célèbre, imitée par Lessing dans son Faust inachevé, où le docteur interroge les démons avant de les prendre à son service.
— Toi, le premier à ma droite, comment t’appelles-tu, et quelle est ta vitesse ?
— Je m’appelle Asmodi, et je suis aussi rapide que le limaçon sur la haie.
- ↑ Voir l’Histoire des marionnettes en Europe, par M. Charles Magnin.