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Qui donnât quelque aisance à cette pauvre vieille.
Je trouvais un plaisir ironique à savoir
Que l’antique combat du peuple et du pouvoir
Et tout leur vain travail pour mettre en équilibre
Le besoin d’être fort et l’ardeur d’être libre ;
Le prétoire vibrant à la voix des tribuns,
L’assemblée en démence et les cris importuns
Qu’on poussera toujours autour du Capitole ;
Et tout ce que produit, aux jours de rage folle,
Le parlementarisme et son jeu régulier,
Aidassent cette femme à payer son loyer.
Il me plaisait assez que le bruit de la presse
Assurât par hasard le pain d’une pauvresse,
Et que tout ce scandale eût ce bon résultat
Qu’elle pût vivre, à bord du vaisseau de l’état,
Durement ballotté sur la mer politique,
Ainsi qu’une souris dans un transatlantique.


II


Un soir, — les premiers froids étaient déjà venus, —
Au fond de la chétive échoppe, j’aperçus
Un spectacle nouveau, qui me fit de la peine.
C’était un pauvre enfant, — huit ou dix ans à peine, —
Blond, pâle, l’air malade, habillé tout en deuil,
Qui se tenait assis dans un petit fauteuil,
Ayant sur ses genoux un vieux dictionnaire
Et regardant avec des yeux de poitrinaire.

Je demandai :

— Quel est donc ce petit garçon ?

— Mais c’est mon petit-fils ; il apprend sa leçon,
Me répondit, d’un air tout orgueilleux, la vieille ; ..
Et les Frères en sont très contens !

— A merveille !
Repris-je ; .. ses parens l’ont envoyé vous voir ?

— Hélas ! mon bon monsieur, voyez… il est en noir.
Pauvre enfant ! il n’a plus sa mère ni son père ; ..