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temps perdu ; c’est là une erreur qui serait funeste si elle était suivie d’une réforme en ce sens. Ce n’est pas tout que de savoir des faits, il faut encore une méthode de penser et d’écrire. Or les Grecs sont ceux qui ont le mieux pensé et le mieux écrit. On nous dit sans cesse qu’à l’étranger les études littéraires n’ont pas l’influence prépondérante qu’elles ont chez nous ; on voit qu’il n’en est rien, puisqu’un des premiers savans de l’Allemagne reconnaît l’avantage de ces études premières qui donnent à l’esprit une direction et une discipline excellentes.

Un point très important traité au congrès d’Amsterdam de 1879, c’est l’uniformité des mesures et du langage à adopter en médecine. Autrefois, c’est-à-dire il y a près de trente ans, chaque pays avait ses mesures de dimension, de poids, de température ; il n’en est plus de même aujourd’hui. Un grand progrès a été fait, car dans presque tous les pays on a adopté notre système métrique. En effet le système métrique présente des avantages incontestables ; les mesures de poids, de volume et d’étendue sont corrélatives en ce sens qu’un centimètre cube d’eau pèse un gramme, etc. Tous les chiffres peuvent alors être ramenés à la même unité : le système décimal ainsi employé supprime des calculs longs, difficiles, et exposant à d’innombrables erreurs. En Hollande, en Russie, en Allemagne, en Italie, le système métrique a été adopté par tous les médecins. Mais il s’est trouvé un pays attaché à ses vieilles coutumes, et préférant une erreur nationale à un progrès étranger : dans ce pays on a persisté à employer les pouces, les yards, etc., toute cette nomenclature gothique faite non-seulement pour empêcher d’être compris, mais pour empêcher de comprendre. Les Anglais ont mis une sorte d’orgueil, alors qu’autour d’eux tout le monde adoptait le système décimal, à persister dans les systèmes de mesures du XVe siècle ; il est probable cependant qu’ils se décideront enfin à ne pas rester en arrière. Déjà les Américains leur ont donné l’exemple, et, cette année, dans le congrès médical américain, grâce surtout aux efforts persévérans et tenaces du docteur Seguin, de New-York, on a adopté en principe le système métrique pour le langage médical. Les Anglais, qui se vantent volontiers d’être des gens pratiques, comprendront qu’à rester ainsi isolés ils perdront bien plus que leurs confrères de l’étranger, et que, s’il y a inconvénient pour nous à ne pas pouvoir lire, faute d’un système de mesures convenable, les livres anglais, il y a bien plus d’inconvénient pour les Anglais à ne pas pouvoir lire les livres français, allemands, italiens. Ce n’est pas seulement l’adoption générale du système métrique qu’on a discutée, on s’est occupé aussi des moyens de rédiger une sorte de codex général de manière à ce que la prescription des médicamens se fasse suivant les mêmes formules, d’après les mêmes règles. Si l’uniformité absolue de la médecine est chose impossible, ce serait probablement chose facile pour la pharmacie. Le génie des chimistes français a fait que pour toutes les nations il n’y a qu’une seule langue