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chacun des vingt-cinq bancs, à droite et à gauche de la coursie. Les rames et les rameurs prenaient, suivant leur position, un nom particulier. Le pianero était le rameur qui s’asseyait le plus près de la coursie. Il avait en main une rame longue de 32 pieds vénitiens. Le posticcio était le second rameur du banc ; la longueur de sa rame ne dépassait pas 30 pieds 1/2. Le terziccio ou terzarolo, assis à toucher le bord de la galère, manœuvrait une rame de 29 pieds 1/2. Ces mêmes rameurs s’appelaient dans l’antiquité : les premiers thranites, les seconds zigites, les troisièmes talamites, parce qu’ils avaient leur poste de nage près du talamio. L’amiral Jurien de la Gravière n’admet pas la possibilité de faire manœuvrer trois rames contiguës par trois rameurs assis sur le même banc. Il invite à ce sujet les républiques de Gênes et de Venise « à ne pas compliquer la question. » Je puis donner à l’honorable auteur de la Marine de l’avenir l’assurance que nous avons fait jadis asseoir trois rameurs sur le même banc. Ce banc était obliquement tourné vers la poupe, comme on peut le voir dans le dessin où messer Cristoforo da Canale a représenté une trirème vénitienne. Chacun des rameurs manœuvrait séparément une rame dont j’ai indiqué plus haut les dimensions. Les rames étaient assujetties, en dehors du bord, à l’aide d’une estrope et d’un tolet, — con stroppo e scalmo, — sur une lisse, — un filareto, — qui courait longitudinalement, soutenue par une rangée de herpès, — baccalari, — Il y avait trois lisses, — trois filarets, si l’on veut employer la langue spéciale des galères. — Les lisses étaient séparées par un espace égal à celui qui séparait les trois rameurs assis sur le même banc. Les trois tolets, — autrement dit les trois scaumes, — étaient plantés sur les trois filarets, de façon à former une ligne oblique à la quille et parallèle à la ligne du banc. Les rames sortaient donc au-dessous des pavois en groupes de trois rames ; l’intervalle ménagé entre les groupes était égal à l’intervalle ménagé entre les bancs. Vers le milieu du XVIe siècle s’introduisit la rame dite di scaloccio ; les bancs, qui d’abord étalent obliques en allant du centre à la poupe, furent dès lors placés perpendiculairement à la quille. Les trois rameurs demeurèrent à leur banc, mais, au lieu de voguer chacun avec une rame, ils agirent tous les trois ensemble sur un seul et même aviron. »

Tout cela est sans doute fort élégamment exposé. Les laborieuses recherches de M. Jal, — critique scrupuleux et homme d’esprit à la fois, — l’avaient déjà conduit à une conclusion identique, du moins en ce qui concerne les bâtimens à rames du moyen âge. M. Jal, malgré la haute confiance que j’étais habitué à placer dans ses assertions, ne réussit pas à me convaincre. Que M. l’amiral Fincati me permette de lui dire que, s’il m’a vivement intéressé, il ne m’a pas