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galériens. Aussi les Carthaginois gagnèrent-ils rapidement du terrain. Les deux flottes atteignent presque en même temps le rivage. Un combat s’engage sur la grève : les soldats d’Agathocle ont repris ici tout leur avantage ; la pique en main, ils refoulent promptement les Carthaginois sur leurs vaisseaux.

Quand on a débarqué en pays ennemi, que faut-il faire ? Il faut avant tout ne pas s’attacher au littoral, ne pas essayer de s’y retrancher ; on serait bientôt investi si l’on n’était pas affamé. Voilà pourquoi la meilleure protection que puisse espérer une contrée qui se trouve exposée à de soudaines descentes est encore quelque large ceinture de terrain désert, surtout quand ces déserts se composent, comme ceux du Mexique, de vingt-cinq lieues de terres chaudes. Agathocle par bonheur était tombé sur un district fertile. Il mit le feu à ses vaisseaux, après en avoir retiré ce qui se pouvait emporter à dos d’homme et prit sur-le-champ la route qui devait le conduire dans l’intérieur. Nous avons de vaillans soldats ; ne leur demandez pas de porter autre chose que leurs sacs, et encore attendez-vous à ce qu’ils les trouvent bien lourds quand ils auront parcouru sous un soleil ardent 15 ou 16 kilomètres. La force de résistance de nos armées ne peut se comparer à celle dont firent preuve en mainte occasion les armées grecques. Le pays au sein duquel s’engageaient les troupes d’Agathocle était entrecoupé de jardins et de vergers qu’arrosaient de tous côtés des canaux et des sources. Ces maisons de campagne d’une construction à la fois solide et élégante bordaient la route ; sur les coteaux s’étalaient de grands champs de vigne ou s’étageaient des bois d’oliviers. L’aspect de la Sicile n’eût pas respiré davantage la richesse. L’armée d’Agathocle rencontrait un véritable Éden ; non-seulement elle n’avait pas à craindre de souffrir de la soif ou de mourir de disette, mais elle trouvait, à peine débarquée, le moyen de monter sa cavalerie. Des bandes de chevaux, d’innombrables troupeaux de bœufs et de moutons paissaient en liberté dans les opulentes prairies de la plaine.

Mégalopolis, — quelle était cette ville ? — fut rapidement enlevée par surprise. Les Carthaginois étaient habitués à porter l’invasion chez les autres ; ils n’avaient jamais songé qu’ils auraient à la repousser à leur tour. De Mégalopolis, Agathocle se porta sous les murs de Tynès la Blanche. Tynès, ou pour mieux dire Tunis, — car on s’entend mieux quand on fait usage des noms modernes, — n’était, suivant Diodore, qu’à 36 ou 37 kilomètres de Carthage. Malgré son enceinte de murailles blanchies, comme nous les voyons encore de nos jours, à la chaux, Tunis ne pouvait passer pour une place forte ; elle se croyait sans doute suffisamment protégée par