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trop lequel des deux est pire ; essayons. — Et alors il répond au roi : — Oui, majesté, donnez-moi un cheval, et je vais sur-le-champ mettre en fuite tous vos ennemis. — Bien, dit le roi, si vous réussissez, je vous donnerai ma fille en mariage. — Aussitôt dit, aussitôt fait. Le savetier monte sur un cheval (et il n’était pas même bon à se tenir dessus) et il porte une grande bannière où était écrit : Avec une main, j’en tue cinq cents. Le voilà parti contre l’ennemi. L’ennemi, qui voit arriver cet homme et qui lit ce qui est écrit sur cette grande bannière, a bientôt pris peur, et à mesure que le savetier avançait, les soldats se mirent à reculer, tant qu’en moins de rien il n’en resta plus un seul. Le roi, qui suivait de loin, voyant qu’il n’y avait plus foule, courut, lui aussi, au secours du savetier. Et quand tous les ennemis eurent disparu, les vainqueurs sont rentrés au logis, et dès le lendemain se fit le mariage avec la fille du roi. Le premier soir, le savetier était tout content ; mais, quand il se fut endormi, il rêva qu’il était devant son établi à tirer le ligneul et il donnait de grands coups de poings à sa petite femme. Celle-ci alla le matin tout en pleurs se plaindre à son papa, lequel, ne sachant comment s’en tirer, ordonna que les deux époux dormissent dans deux chambres séparées. C’est pour cela que, depuis lors, on ne dort pas ensemble mari et femme chez les rois et chez les grands seigneurs.

Cette histoire a passé les Alpes et le Rhin ; on la trouve aussi dans les livres. L’annotateur du Malmantile raconte l’anecdote d’un pauvre garçon nommé Nanni, qui un jour avait attrapé sept mouches. Une belle fée lui apparut et lui demanda ces sept mouches pour un passereau qu’elle avait, en lui promettant la richesse. Elle le conduisit dans sa caverne et lui donna des armes et de l’argent, le coiffa d’un heaume inscrit en lettres d’or du nom d’Ammazzasette (Tue sept) et l’envoya au camp des Pisans, qui, avec l’aide des Français, faisaient la guerre aux Florentins. Nanni fut bien accueilli des Pisans et leur expliqua son surnom. Les Français perdirent leur capitaine et ne purent s’accorder pour lui donner un successeur. A chaque nom proposé, bon nombre d’entre eux criaient : Nenni ! — Nanni ! Nanni ! répétèrent les Pisans, croyant que les Français voulaient Nanni pour leur capitaine. C’est ainsi que l’Ammazzasette monta en grade et devint riche comme la fée le lui avait promis.

Les Milanais aiment les facéties et les curés n’ont pas beau jeu ; ce n’est pas qu’on soit impie dans la ville de Manzoni, mais on y a l’humeur allègre. Les mangeurs de prêtres au contraire sont sérieux ou bilieux. Aussi pouvons-nous citer sans être accusé d’irréligion u ne ou deux de ces drôleries lombardes.

Il y avait une fois un curé qui ne savait pas même compter les jours de la semaine. Tous les matins, il mettait un fagot sur un autre,