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pas fait les parts égales, ici il y en a plus, là il y en a moins. — Léonbrun, qui les regarde : — Hé ! jeunes gens, qu’avez-vous à vous disputer ? — Ils relevèrent la tête : — Soyez juge, regardez, faites-nous le plaisir de descendre. — Il alla rejoindre les jeunes gens. — Donc qu’y a-t-il entre vous ? Soyez de bons garçons. — Vous devez savoir que ce sont là des objets volés, nous sommes deux assassins, nous autres. — Ah ! je m’en réjouis avec vous. — Vous devez savoir que les parts ne me semblent pas égales. — Tenez-vous tranquilles, c’est moi qui ferai les parts. — Il prend une répétition (une montre à répétition) dans une main, une répétition dans une autre et les balance ; ainsi des colliers, des bagues, et de tout ce qu’ils avaient volé. — Voici les parts, dit-il. — Mais il y a encore deux choses d’une grande valeur : une paire de bottes qui vont comme le vent et un manteau. Quand on endosse ce manteau, on n’est plus vu de personne. — Voilà qui est très bien, dit Léonbrun. — Il dit alors à l’un des assassins d’enfiler les bottes, de prendre le manteau sur son bras et de monter sur la montagne. En un clin d’œil l’assassin arrive au sommet. — A présent endosse le manteau, lui dit Léonbrun. — L’assassin obéit. — Me voyez-vous ? — Eh non, tu peux descendre. — Le second assassin prend à son tour les bottes et le manteau, atteint d’un bond le sommet et devient invisible. — Descends, lui dit Léonbrun. Écoutez, mes enfans, j’ai été bon garçon, j’ai fait le partage : est-ce que vous ne me laisserez pas, moi aussi, essayer les bottes et le manteau ? — Bien sûr, dirent les deux hommes. — Léonbrun se chausse et court au sommet, se drape et crie : — Me voyez-vous, jeunes gens ? — Non. — C’est que vous ne voulez pas me voir ! — et il ne se laisse plus voir, le cher Léonbrun. Les deux assassins tombent alors l’un sur l’autre et se rouent de coups si fort qu’ils se tuent : il ne reste que le cher Léonbrun, qui des deux parts n’en fait qu’une, et, chargé de toutes ces richesses, il se remet en chemin. Il marche, marche, marche encore et toujours et arrive à une auberge. Il demande à l’aubergiste si on sait où demeure une certaine Mme Aquilina : l’aubergiste lui montre sept montagnes et lui dit que beaucoup de gens en quête de cette dame ont essayé de les gravir et n’y sont jamais parvenus. — J’y arriverai, moi, dit Léonbrun. — Il mange et boit, donne à l’hôtelier une très belle répétition et deux bagues, passe au cou de l’hôtelière un très beau collier avec un fermoir en or, leur laisse de plus deux lettres de change de deux cents écus l’une, et fait du bien à tous les gens de la maison ; puis, avec les bottes qu’il a, monte une à une, commodément, les sept montagnes. Il arrive dans un pré et voit au milieu du pré… comment dit-on ? l’ermite. Il frappe, frappe encore ; l’ermite crie (avant d’ouvrir) : — Diable que tu es, qui t’a transporté jusqu’ici ? Va-t’en au