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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/789

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l’admiration. Entre sa grosse figure et ses grands airs sous le vêtement étriqué, le défaut d’harmonie faisait sourire, mais la femme de Tuatara avait une sœur qui produisait une tout autre impression. Des voyageurs ont déjà parlé, en termes trahissant l’émotion, des attraits des filles nées sur la terre que Tasman a signalée au monde, pas encore autant que le narrateur de l’expédition des missionnaires évangéliques. Écoutons Liddiard Nicholas traçant le portrait de la sœur de la reine de Tepuna : — son âge, environ dix-sept ans ; même en Angleterre, où si nombreuses sont les rivales pour la palme de la beauté, elle aurait droit à la plus haute prétention ; des traits réguliers, l’expression du visage calme, digne, suave, que relève l’éclat et le velouté des yeux, le teint de rose répandu sur ses joues, indice d’une belle santé, font un ensemble plein de charme. La jeune fille, si bien douée de toutes les grâces que peut accorder la nature, a une simplicité de manières qui dénote l’absence de l’art, et le contraste est ravissant. — Cet Anglais était-il vraiment épris, ou voulait-il déterminer des compatriotes à venir coloniser la Nouvelle-Zélande ? Toute opinion à cet égard est admissible.


III

Le révérend Samuel Marsden et Liddiard Nicholas étaient retournés abord de l’Active ; le 24 décembre 1814, une apparition inattendue les plonge dans une extrême surprise. Une nombreuse flottille de pirogues, remplies d’hommes qui brandissent la lance et jettent à tous les échos le chant des guerriers, se dirige vers le navire. Tout concourt à donner un attrait à la scène offerte aux regards. On est au matin ; l’air est tiède, la mer calme, les rayons du soleil sur l’eau délicieusement étalés, et au milieu de cette nature si douce et si tranquille, l’agitation humaine étonne par la violence et les allures désordonnées ; la vie du peuple de la Nouvelle-Zélande se manifeste dans son caractère original. Bientôt on aperçoit Korokoro, qui, à peine débarqué, avait quitté les missionnaires pour revoir au plus vite son domaine. Le grand chef vient rendre visite à ses compagnons de voyage et tel qu’un souverain des temps héroïques, il se présente suivi de son armée. Les chefs, debout, le manteau de guerre retenu sur l’épaule et flottant, la chevelure relevée sur le sommet de la tête et surmontée de plumes blanches, gesticulent avec frénésie comme s’ils voulaient attaquer le navire. Une contenance fière et hautaine, d’affreux tatouages noirs ou bleuâtres sur le visage donnent à ces hommes un aspect terrible et farouche, qui produit une impression singulière sur les Européens encore peu accoutumés aux façons des insulaires.

Korokoro, montant à bord, exprime sa reconnaissance à