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le général de Bourmont, doit à sa mémoire de rappeler que, dans l’expédition d’Alger, il se couvrit de gloire, révéla d’incontestables qualités militaires, de patriotiques vertus qui ne faiblirent pas, même le jour où il eut la douleur de voir l’un de ses fils mortellement blessé à ses côtés. La flotte chargée de transporter cette armée et ces immenses approvisionnemens sur la plage de Sidi-Ferruch, point choisi pour le débarquement, à cinq lieues à l’ouest d’Alger, devait compter six cent soixante-quinze bâtimens de toute sorte, dont sept à vapeur, et à leur tête la Provence, le vaisseau amiral, le même qui ayant été à l’insulte devait être à la réparation. Le 25 avril, cette flotte était réunie dans le port et la rade de Toulon.

Dès le 2 mars, le roi, qui tenait de la charte le droit exclusif de faire la guerre, avait, dans le discours de la couronne, annoncé sa résolution aux chambres. « Au milieu des grands événemens dont l’Europe était occupée, dit-il, j’ai dû suspendre les effets de mon juste ressentiment contre une puissance barbaresque ; mais je ne puis laisser plus longtemps impunie l’insulte faite à mon pavillon ; la réparation éclatante que je veux obtenir, en satisfaisant l’honneur de la France, tournera, avec l’aide du Tout-Puissant, au profit de la chrétienté. » Il est douloureux de constater que ces paroles ne rencontrèrent ni dans la presse ni dans la chambre le favorable accueil auquel elles avaient droit. Dans tous les pays et dans tous les temps, les oppositions restent les mêmes ; elles savent rarement séparer ce qu’il y a de légitime dans leurs revendications et dans leurs critiques de ce qui s’y trouve d’injuste et de passionné. Le ministère de M. de Polignac, formé en contradiction manifeste avec les vœux et les aspirations de la France, avait soulevé d’ardentes et justes colères devant lesquelles les préparatifs de l’expédition ; en dépit de leur caractère politique et national, ne purent trouver grâce. Dans l’une et l’autre chambre, le ministre de la marine dut défendre pied à pied ses projets contre d’âpres critiques, qui s’étaient d’ailleurs produites à diverses reprises depuis qu’il y avait une question d’Alger, c’est-à-dire depuis trois ans, et qui trouvèrent dans la presse d’éloquens commentateurs. Cette opposition si peu justifiée, condamnée d’ailleurs par la suite des événemens, est comme une ombre au tableau que nous retraçons ; nous n’y insisterons pas. Il nous sera plus doux d’aborder dès à présent, avec brièveté, le chapitre des difficultés diplomatiques soulevées par le gouvernement anglais |et que dénoua, sans coup férir mais sans aucune concession, l’habile fermeté de M. de Polignac et de ses collègues.

Si les cabinets européens et même les États-Unis, intéressés comme la France à la destruction de la piraterie barbaresque, voyaient d’un œil sympathique l’entreprise du cabinet des Tuileries