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course. Mais, le lendemain, dès le matin, on rencontra l’armée turque fortifiée dans son camp de Staoueli. Elle se composait d’environ cinquante mille hommes, commandés par l’aga gendre du dey, et les beys de Constantine et de Tittery. À midi, les vingt mille hommes que le général de Bourmont avait pu mettre en ligne étaient victorieux de cette armée. Elle fuyait en désordre, laissant derrière elle son camp rempli de richesses et de munitions. Ce grand et rapide succès décida du sort de cette mémorable campagne ; les combats livrés les jours suivans, terminés tous à notre avantage, eurent pour conséquence de nous rapprocher progressivement du but de l’expédition. La France préludait ainsi aux luttes glorieuses qu’elle devait soutenir sur la terre algérienne, que devaient parer d’un mémorable éclat tant d’épisodes héroïques enregistrés par l’histoire et dont MM. Alfred Nettement et Camille Rousset nous racontent le prologue. Alors commençait la longue série des dévouemens admirables et des audaces généreuses qui devaient pendant quinze ans illustrer les guerres d’Afrique.

La nouvelle de la bataille de Staoueli consterna la ville d’Alger. Sur la foi d’un premier récit, elle avait cru à la défaite des Français et demandait déjà que l’on coupât les oreilles aux prisonniers pour les renvoyer ainsi mutilés au roi de France. Mais des fuyards formant l’avant-garde de l’armée en déroute arrivèrent bientôt et firent connaître la vérité. À les entendre, les Turcs avaient été trahis par les troupes kabyles et s’étaient débandés après avoir eu cinq mille hommes hors de combat. Comme pour confirmer la vérité de ces lamentables récits, ils ramenaient avec eux quinze cents blessés pour lesquels aucun secours n’avait été préparé et qui reçurent les premiers soins d’un jeune médecin allemand captif à Alger et de quelques infirmiers improvisés, choisis parmi des barbiers juifs et maures. Hussein-Dey était terrifié. Ignorant que le général de Bourmont avait résolu d’attendre sur le théâtre de sa victoire les transports, les vivres et les munitions qui lui étaient nécessaires pour entreprendre le siège d’Alger, il redoutait de le voir apparaître aux portes de la ville, protégée seulement par le château de l’Empereur, vieille construction du XVIe siècle, qu’il jugeait, il est vrai, imprenable. Il réunit le même soir ses ministres et ses principaux officiers ; la mise en défense immédiate du fort fut décidée, et on y procéda pendant la nuit, tandis que des courriers étaient envoyés pour rallier les troupes éparses dans la campagne.

L’immobilité des troupes françaises, que la prudence du général en chef et un léger dissentiment survenu entre lui et l’amiral Duperré, par suite des retards apportés dans le débarquement des munitions, prolongèrent durant cinq jours, eut pour effet de rendre quelque confiance aux troupes du dey. Le 24 juin, elles vinrent