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L'ELOQUENCE
POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE
EN FRANCE AVANT 1789

LES ORATEURS DES ÉTATS-GÉNÉRAUX[1]

La parole, dans les états-généraux, intervenait et se manifestait sous deux formes très distinctes : l’une, prétentieuse et solennelle, empanachée des modes extravagantes du faux goût contemporain ; l’autre, d’une simplicité pratique, ayant la verve, l’audace négligée et la puissance rapide de l’improvisation. Ces deux sortes de discours public, dont le contraste rappelle le mot de Pascal : « La vraie éloquence se moque de l’éloquence, » ne nous sont pas également connues ; la première seule, pour laquelle on eût préféré l’oubli, a pris soin de perpétuer jusqu’à nous le fastueux souvenir de ses ridicules : on possède les harangues d’ouverture et de clôture, « aux longueries d’apprêt, » qui faisaient partie du cérémonial des grandes séances et continuaient, dans un français mêlé de scolastique et de bel esprit, la tradition des panégyriques de l’époque gallo-romaine. Rien, au contraire, ou presque rien ne subsiste des discours vraiment éloquens et vraiment politiques, improvisés dans la chaleur des débats et que le pédantisme n’avait pas le temps de gâter ; ceux-là ont tout fait, tout décidé ; ils ont soutenu les motions hardies, enlevé les votes importans ; finalement, ils ont imposé ou suggéré au pouvoir absolu les nombreuses réformes, si bien expliquées par M. Picot, qui resteront les monumens du patriotisme et de l’activité des états. Leur retentissement n’a pas répondu à leur

  1. Voir la Revue du 1er décembre 1878.