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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 37.djvu/527

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nous satisfaire, dans les minuties et les incertitudes des généalogies. Ce n’est rien encore : les jugemens du « terrible historien » ont été souvent contestés ; on discute avec passion sur la confiance qu’il mérite, on l’accuse d’être inexact quand il raconte des événemens éloignés, violent, partial, excessif lorsqu’il parle des gens qu’il a connus et qu’il n’aimait pas : c’est le devoir de son éditeur de rétablir partout la vérité. « Il faut le mettre en présence des auteurs contemporains, des correspondances officielles, du récit des acteurs ou des témoins de toutes ces scènes, dont il ne doit pas avoir le monopole. » C’est ce qu’il est précisément très difficile de faire ; Ces récits, pour la plupart, n’ont pas été publiés, ces correspondances officielles sont presque toujours manuscrites, et il faut les aller chercher dans les grands dépôts de l’État, dans les archives de famille, dans les bibliothèques publiques ou privées où elles sont enfouies, quelquefois captives, et qui ne les laissent pas voir volontiers. Qu’on ajoute à ces documens historiques, si malaisés à recueillir, des renseignement sur les particularités d’étiquette et de mœurs contemporaines auxquelles l’auteur fait sans cesse allusion, des notes topographiques sur la situation des hôtels ou des châteaux dont il parle, des notes linguistiques et philologiques pour expliquer les phrases obscures ou les mots vieillis dont il se sert et nous mettre au courant de tout le parti qu’il a tiré de la langue française, enfin tout ce que peut souhaiter un lecteur avide d’informations, qui veut tout connaître et tout comprendre dans l’histoire d’un temps dont il ne reste presque plus rien, qui demande impérieusement qu’on reconstruise pièce à pièce pour lui et qu’on ranime par le détail une société entièrement disparue, l’on aura quelque idée de la tâche que Montalembert imposait au futur éditeur des Mémoires. C’était vraiment à décourager les plus intrépides.

Et pourtant ce programme immense, effrayant, commence à être réalisé ; l’édition rêvée par Montalembert, et que souhaitaient, sans trop l’espérer, les admirateurs de Saint-Simon, on vient enfin de l’entreprendre ; elle est destinée à faire partie de la collection des Grands Écrivains de la France. Cette collection, dont nous avions été heureux de saluer ici les débuts[1], et qui honore à la fois le savant qui la dirige et la puissante maison qui s’est chargée de l’exécuter, a tenu toutes les promesses qu’elle avait faites ; elle contient déjà cinquante-neuf volumes, les chefs-d’œuvre de la littérature française, et après nous avoir donné Corneille et Racine,

  1. Voyez, dans la Revue du 15 avril 1865, l’étade sur les Correspondances intimes : Cicéron et Mme de Sévigné.