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A quoi elle répondit que oui. Sur ce, qu’il lui montra plein son chapeau d’argent, et fut avec elle l’espace d’une heure pendant laquelle il lui tint les discours ordinaires aux gens amoureux… Il se retira après lui avoir donné à reconnoître qu’il étoit diable, lui disant qu’il s’appeloit Verdelet. »

À la suite de cette confession, Arnoulette fut étranglée et brûlée. Voici l’acte du jugement :

« Vu et examiné ultérieurement le procès criminellement instruit à la charge d’Arnoulette Defrasnes, ses interrogats et réponses personnelles par le soussigné lieutenant-prévost Lecomte, établies par lui, par lequel elle est atteinte et convaincue d’avoir renoncé à Dieu, à la sainte Vierge, au saint sacrement de baptême et autres, pour se faire sorcière et se vouer comme elle a fait au service du diable, passé vingt-cinq à vingt-six ans, d’avoir été plusieurs fois aux danses et assemblées nocturnes, y transportée par le diable, son amoureux, qu’elle dit avoir nom Verdelet, y commettant les abominations ordinaires des sorciers, savoir depuis qu’elle s’est vouée au Satan, avoir été plusieurs fois à la sainte communion, à dessein de lui rapporter la sainte hostie et la lui délivrer comme elle a fait, d’avoir avec de la poudre qu’il lui avoit donnée fait mourir Pasquet, après une langueur de six mois, d’avoir, par le même moyen, ensorcelé Catherine Rombaud pour la faire languir bon nombre d’années comme elle fait encore présentement… De plus, d’avoir en son retour du sabbat jeté quelquefois de la poudre sur les grains de la campagne, y fait pleuvoir ? de la grêle et envoyé des brouillards, à la sollicitation et au commandement du dit Verdelet, son amoureux, outre qu’elle se déclare la royne des sorciers, conclut à ce que, pour expiation de crimes si horribles et détestables, elle soit condamnée d’être amenée de la prison sur le marché, devant la maison échevinale, pour, sur un échafaud y dressé à cet effet, y être étranglée et billoignée (bâillonnée), et à l’instant brûlée. Ce 23 de mars 1603. »

Il est certain qu’en cherchant dans les archives communales des anciennes villes de France, d’Allemagne, d’Espagne, on trouverait des documens très curieux et très instructifs pour l’histoire de la sorcellerie. Malheureusement, peu de travaux de ce genre ont été faits encore. Aux Archives nationales, à Paris, on trouve une collection de documens relatifs à la sorcellerie pour une seule ville, Montbéliard, qui était alors ville d’empire. On sait par ces documens, qu’il serait sans doute très intéressant de publier, que la justice de l’empire sévissait sur les sorcières aussi bien que la justice du roi de France ou de l’inquisition. De 1617 à 1620, on brûle douze sorcières. Voici la formule de la condamnation de l’une d’elles, 1618 : « Le nom de Dieu premièrement invoqué, est