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des hésitations nouvelles de l’opinion ? Comment se fait-il qu’à l’heure qu’il est la confiance soit certainement moins grande qu’elle ne l’était il y a un an, et que, par une combinaison étrange avec les succès croissans des républicains, avec la marche du gouvernement vers la gauche renaissent de toutes parts les doutes sur l’avenir de la république elle-même ? Voilà la question, certes fort sérieuse, fort délicate qui résume et domine toutes les autres.

À ce mal réel, dont tout se ressent aujourd’hui, quels remèdes ou quels palliatifs entend apporter à son tour le ministère qui est né, ou qui s’est reconstitué aux derniers momens de décembre ? Quelle attitude se propose-t-il de prendre et de garder entre les partis ? Quelle politique a-t-il le dessein de suivre et d’appliquer ? Il n’a encore qu’un mois d’existence. Il est allé l’autre jour, dès le début de la session, porter aux chambres, avec la notification de sa naissance, un exposé de ses vues et de ses intentions. C’est ce qu’on peut appeler une déclaration d’avènement. Après tout, les déclarations, les programmes et les promesses sont des mots ; les actes seuls ont une valeur réelle, seuls les faits peuvent donner une idée précise de la force ou de la faiblesse d’une situation, et autant qu’on en puisse juger par les premiers actes, par les premiers signes d’une existence si courte, le nouveau ministère a peut-être encore beaucoup à faire pour se trouver dans des conditions telles qu’il puisse se promettre une action libre, utile et durable. La dernière déclaration ministérielle, si l’on nous permet ce terme, est sûrement pavée de bonnes intentions. Elle est assez savamment calculée, combinée, coordonnée, pour avoir pu passer à travers tout sans encombre, et elle a été accueillie comme l’œuvre d’un homme qui vient de se tirer avec habileté d’un pas difficile, qui, livré à lui-même à sa propre inspiration, aurait sans doute appuyé plus nettement sur certains points, en écartant tout simplement d’autres questions. Au fond, que dit-elle, cette déclaration qui ne laisse pas d’être une marque de fine diplomatie de la part de notre ministre des affaires étrangères ? Elle en dit assez pour montrer que le nouveau cabinet n’entend pas se départir de « la politique prudente et mesurée qui, au dedans comme au dehors, convient à la situation de la France, » — que M. le président du conseil, fidèle à lui-même, persiste à vouloir « non exclure, mais ramener, et fonder une république dans laquelle tous les Français puissent successivement faire leur entrée. » Elle en dit malheureusement assez en même temps pour montrer que le ministère se trouve enlacé par des engagemens et des projets, par des solidarités de parti qui le mettent en contradiction avec cette prudence et cette mesure dont on veut se faire une loi.

Ainsi, M. le président du conseil veut une magistrature « respectueuse des institutions » sans doute, mais « forte, honorée, indépendante, » et