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Il acceptait la république comme le seul régime possible et contribuait au vote d’une constitution définitive.

Il pensait ainsi avec M. Casimir Perier, avec M. de Montalivet, avec M. Dufaure ; mais, en acceptant avec les vieux constitutionnels la république, il n’admettait, bien entendu, comme eux, qu’une république conservatrice, libérale. Il n’en connaissait pas d’autre, il ne croyait la république viable que si elle donnait à la France la liberté, la paix intérieure aussi bien que la paix extérieure, et il a vécu assez pour avoir des craintes qu’il ne déguisait pas, qu’il manifestait même assez vivement, que M. de Montalivet, de son côté, éprouvait, lui aussi, avant de mourir. Si l’adhésion de tels hommes a paru utile, les craintes de leurs derniers jours pourraient être un salutaire avertissement, à moins que la sagesse désintéressée ne passe décidément au rang de ces réactionnaires incorrigibles dont on ne doit plus écouter la voix.

Le fait est que les esprits prévoyans paraissent aujourd’hui assez importuns, qu’on n’écoute pas plus les morts que les vivans, qu’il y a une sagesse nouvelle qui consiste à tout remuer pour ne rien faire, à multiplier les difficultés et les obscurités pour marcher d’un pas plus sûr. Malheureusement la France n’est pas seule au monde. Il y a autour de nous d’autres nations, d’autres gouvernemens pour qui tout ce qui se passe dans notre pays est visiblement l’objet d’une attention croissante et qui ne voient d’ailleurs dans la marche de nos affaires qu’un motif de plus de poursuivre les desseins de leur politique, même au besoin de s’armer pour des plans inconnus. Il n’y a sans doute rien de menaçant contre la France, dont on suit pour le moment les laborieuses oscillations avec plus de curiosité et d’étonnement que d’inquiétude. Rien n’est médité contre nous, c’est vraisemblable. Il n’est pas moins clair et certain que tout se fait sinon contre nous, du moins sans nous, en dehors de nous, et qu’à nos côtés s’accomplit tout un travail de reconstitution européenne qui n’est pas sans gravité. Plus d’une fois, depuis quelques mois, on s’est demandé quelle était la portée réelle de l’alliance récemment formée entre l’Allemagne et l’Autriche, quelle pouvait être la signification de ce renouvellement d’intimité dans la situation du continent, entre la Russie systématiquement écartée, la France laissée à son isolement, et l’Angleterre qui a l’habitude de rester étrangère à de telles combinaisons ? Y a-t-il eu un pacte éventuel d’alliance offensive et défensive pour le cas où l’une des deux puissances allemandes se trouverait engagée dans une guerre avec un autre grand état du continent ? C’est là justement une question qui vient d’être sinon complètement éclaircie, du moins débattue devant les délégations de l’empire austro-hongrois. Les discours se sont succédé, les délégués autrichiens n’ont pas oublié de parler de l’état de la France et des éventualités qui pourraient se produire. Ce ne sont après tout que des discours. Le ministre des affaires étrangères, le baron de Haymerlé,