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des injustices qu’on m’a faites. Quel est l’académicien qui peut se plaindre de moi ? Je suis l’ami des uns, l’admirateur des autres, mes ouvrages sont semés de leurs éloges : au reste, madame, si vous vous intéressez à moi, vous ne serez point tout à fait isolée ; le prince Louis, M. Duclos, l’abbé Voisenon se sont plus d’une fois déclarés en ma faveur ; M. Thomas n’est sûrement pas contre ; MM. Marmontel et Saurin n’ont nulle raison de m’en vouloir, et un mot de vous suffira pour les déterminer. Je sais qu’on a des vues sur l’abbé de Lisle, mais il est plus jeune que moi, il n’est connu que depuis deux ans, il n’a fait qu’une traduction, et tout en convenant de son mérite dont je suis le plus zélé partisan, je crois qu’il peut attendre sans avoir le droit de se plaindre. Pardon, madame, de tous ces détails. Je ne ferai aucune démarche avant que j’aie reçu votre réponse. Si vous croyez que je puisse me présenter, j’en courrai les risques, sinon je renfermerai mes vœux, mes prétentions, et j’aurai pour me consoler le plaisir de m’être conduit par vos conseils.

Ce 20 juin 1771.


J’ignore si Mme Necker prêta son appui à Dorat, auquel elle paraît en effet avoir témoigné quelque amitié, mais en tout cas cet appui fut inefficace, car Dorat ne fut jamais de l’Académie. Il s’en consolait cependant, ou du moins il affectait de s’en consoler par la pensée, que Mme Necker avait été favorable à sa candidature, et il lui écrivait quelques jours après : « Je ne serai point de l’Académie, mais je serai de votre société et je ne ferai rien qui m’en rende indigne. J’aime mieux un caractère qu’un fauteuil et votre suffrage que celui des quarante. »

Je n’ai parlé dans cette étude que des gens de lettres et des philosophes qui fréquentaient le salon de Mme Necker. Je compléterai le tableau de sa société en parlant dans la prochaine des relations plus intimes qu’elle avait nouées avec quelques femmes dont les noms sont devenus célèbres, Mme Geoffrin, Mme du Deffand, Mme d’Houdetot, et avec des hommes qui, comme Thomas et Buffon, ont tenu une grande place dans la vie de son cœur.

Othenin d’Haussonville.