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Florentins et les gens de Pistoie s’exilaient, s’assiégeaient, s’exterminaient. Une mission du cardinal Napoléon des Ursins manqua complètement son effet. L’excommunication, toujours légère à porter en Italie, perdait sa force venant de France, d’un pape français impuissant et au fond indifférent à ces querelles.

Pour la forme, on feignit de s’occuper de la croisade, et la croisade, c’était surtout la guerre contre Constantinople; mais ni le roi ni le pape n’y pensaient sérieusement. Nous avons les lettres que le pape écrivit à ce sujet à Philippe, prince de Tarente, à Frédéric de Sicile, aux républiques de Gênes et de Venise. Venise affecta de prendre la chose au sérieux et se remit à viser Constantinople. Mais les Génois s’allièrent plus étroitement que jamais avec l’empire grec. Charles de Valois, à qui l’on réservait tous les fruits de cette guerre chimérique, était l’âme de ces vains projets, qu’il eût certainement fait avorter par son incapacité, s’ils avaient eu un commencement d’exécution. Tout se borna à des plans bizarres et où souvent ce furent les pires ennemis de l’église, tels que Du Bois, Nogaret, qui tinrent la plume et se firent les conseillers de la papauté. Ce qu’il y eut de plus clair, c’est que le roi obtint, pour subvenir aux frais d’un armement qu’il ne devait jamais faire, le droit de lever une décime sur tous les biens du clergé français pendant deux ans.

Vers le milieu de février, Clément quitta Lyon, non pour gagner l’Italie, mais pour revenir à Bordeaux par Mâcon, Dijon, Nevers, Bourges, Limoges, Périgueux. Ce voyage fut terriblement onéreux pour les ecclésiastiques qui se trouvèrent sur l’itinéraire pontifical. A Cluny, en particulier. Clément séjourna cinq jours, qui furent pour le monastère l’équivalent d’un pillage. On ne parlait partout que des folles dépenses du nouveau pontife ; sa cour n’avait rien d’ecclésiastique. Les églises séculières et les monastères étaient rançonnés. Gilles de Rome, archevêque de Bourges, qui n’avait d’autre tort que d’avoir contrarié Clément pendant qu’il était archevêque de Bordeaux, fut réduit à la dernière pauvreté.

Les complaisances de Clément pour le roi d’Angleterre étaient les mêmes que pour le roi de France. Ceux des évêques dont le monarque anglais avait à se plaindre étaient sacrifiés sans pitié. Pendant la semaine de Pâques 1306, Edouard fit publier une bulle par laquelle le pape le relevait du serment qu’il avait fait à ses sujets touchant la confirmation de leurs libertés. Le pape accorda aussi au roi d’Angleterre les décimes pendant deux ans pour l’œuvre de la terre sainte. En retour, il s’attribua les revenus de la première année de tous les bénéfices qui vaqueraient en Angleterre pendant deux ans.

Clément passa le reste de l’année 1306 à Bordeaux. Les exactions